Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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cette fable légèrement sacrilège, que M. de Vaulabelle l u i - m ê m e répéta dans son Histoire des deux Restaurations . T o u t d'abord, Grandsire n'eut pas sujet de regretter son invention, car le roi, qui se m o n t r a i t si difficile p o u r récompenser le dévouement des royalistes éprouvés, accordait du premier c o u p à l'imaginatif secrétaire de l'Opéra u n e tabatière en or et u n e pension de 1,000 francs, réversible sur la tête de sa femme. Mais le m a l h e u r voulut que le fournisseur du « véritable dernier coucher du d u c de Berry », le tapissier Duriez fut u n ami d'Ange P i t o u et son voisin : Duriez, « h o m m e d'une naïveté patriarcale », n'eut vraisemblablement rien dit, mais P i t o u s'indigna pour deux, m o n t a le tapissier, le décida à mener u n bruit énorme a u t o u r de cette affaire et se fit personnellement le chef d'orchestre de tout ce tapage. Il cédait à un sentiment, à coup sûr, généreux, car son intervention était désintéressée, et il n'avait rien à gagner à ces r é c l a m a t i o n s ; il risquait, au c o n traire, de s'aliéner à jamais les bonnes grâces hésitantes du vicomte de La Boulaye, qui était l'ami et le protecteur de Grandsire. Ce qui le poussait à agir de la sorte, c'était peut-être son incessant désir de paraître, mais aussi certainement u n sentiment de généreuse révolte contre l'injustice, quand il vit avec quelle rapidité la générosité royale s'exerçait en faveur de l'imposture et combien elle tardait à récompenser le mérite réel. Il revendiqua alors h a u t e m e n t , p o u r son voisin, la gloire d'avoir fourni « le dernier coucher du duc de Berry ». Dès qu'il eut connaissance de ces faits, Monsieur fit ouvrir Une enquête et apprit le n o m du véritable fournisseur. U n peu gêné dans le rôle qu'il avait pris, Grandsire déclara alors qu'il y avait eu deux lits de fournis en cette nuit, mais que le sien seul avait servi; H a p d é , l'historiographe de cette m o r t du d u c de Berry, se fit l'écho de cette assertion dans la 4 édition de son livre, envoyée à tous les maires de F r a n c e : c'était accréditer la légende ; Ange Pitou résolut d'y mettre bon o r d r e , et, le 1 8 m a r s , H publiait le Véritable dernier coucher de Mgr. le duc de Berry, le i3 février 1820. Dans cette b r o c h u r e , l'auteur, s u i vant sa constante habitude, sacrifiait largement au r i d i c u l e ; niais il faut reconnaître qu'il y démontrait p é r e m p t o i r e m e n t et sans réplique la fausseté des allégations de G r a n d s i r e ; aussi le scandale fut-il assez vif. Quelques jours après, paraissait, sous ce titre : Historique du véritable dernier coucher, u n e seconde 1

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1. 3 édition, t. V. p. 92.


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