Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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PITOU

leur adresser que quelques mots, car son cœur est suffoqué et ses forces diminuent. A l'instant, l'épouse du Martyr prend ces deux orphelines par la main, leur fait embrasser sa fille Mademoiselle, les embrasse ellemême, et crie à son époux, autant qu'elle a de force : « Charles, mon « cher Charles ! j'ai trois enfants à présent1 ! » Le duc de Berry avait été frappé à m o r t à onze heures moins d i x ; les m e m b r e s de la famille royale et le roi le premier avaient été i m m é d i a t e m e n t avertis de la c a t a s t r o p h e ; à minuit, le comte d'Artois était près du lit de son fils. A u n e heure du m a t i n , le prince, qui déjà avait manifesté le désir de voir le roi, insistait à nouveau p o u r q u ' o n suppliât son oncle de se rendre près de lui ; l'Elysée était à un quart d'heure de l'Opéra, et cette d e m a n d e fut transmise de suite au palais, avec l'annonce que le d u c pouvait m o u r i r d'un instant à l'autre : L o u i s X V I I I ne bougea pas. A quatre h e u r e s , le m o r i b o n d réclamait encore le r o i ; ses forces d i m i n u a i e n t , il fit ses adieux à son entourage : Louis X V I I I ne venait toujours pas. Enfin, à cinq heures, Ie m o n a r q u e se décida à voir son neveu : « C o m m e toutes les p e r s o n n e s de la cour étaient en habits bourgeois, la voiture s'étant approchée, Sa Majesté ne voulait pas d e s c e n d r e ; ce ne fut que sur les représentations q u ' o n fit au P r i n c e que son neveu le d e m a n d a i t , et sur les assurances que lui d o n n è r e n t certaines personnes qu'il n'y avait a u c u n e crainte à avoir, que le Roi était e n t o u r é des plus fidèles serviteurs de sa cour, que Sa Majesté se d é t e r m i n a à mettre pied à terre 2. » O n commençait les prières des agonisants q u a n d le roi fut

1. Le Trône du Martyr, p. 69. — C'est l'abbé Marduel lui-même, l'un des acteurs de cette scène, qui a fourni ces détails à Ange Pitou, son pa" roissien et son ami. Le duc de Berry avait épousé, en Angleterre, la sœur d'un capitaine <lc vaisseau, M"" Brown, dont il eut trois enfants : un garçon qui, en 1 8 8 1 , ha' bitait encore en Scinc-ct-Oisc, et deux filles qui, dit-on, épousèrent l'une Ie marquis de Charettc, et l'autre le comte de Faucigny, prince de LucingcM"" Brown suivit son époux en France, mais Louis XVIII fit casser 1e mariage. Ce prince aurait encore eu, paraît-il, un enfant mort en bas-agc de M"" Virginie Lctcllicr, danseuse à l'Opéra, et de M"" Séraphinc, fi»* d'un coiffeur du passage Choiseul, une fille qui aurait épousé, prétend-on, le docteur Civiale. 2. Tribunal de première instance de la Seine. Déposition en date à» 22 février 1822 de M. Cailleau, avocat à la cour royale, sergent des gfj* nadiers au 3° bataillon de la 9" légion de la garde nationale de Paris, dc garde cette nuit-là à la porte de l'Opéra [Incrédulité intéressée, p. '53)-


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