Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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qu'après u n e dénégation pareille, si le ministère revenait sur sa décision, il y avait lieu de considérer c o m m e u n e transaction le gage par lui d o n n é . Des d é m a r c h e s furent d o n c tentées en ce s e n s ; Ange P i t o u écrivit lettres sur lettres, pétitions sur pétitions au Roi et aux m i n i s t r e s ; il aboutit à u n résultat assez a p p r é ciable, car, au c o m m e n c e m e n t de septembre, le d u c d'Avaray était choisi par le ministre c o m m e intermédiaire arbitre dans cette affaire, et le d e m a n d e u r invité à préciser ses réclamations. Le ministère mettait toujours en avant les m ê m e s raisons p o u r éluder la requête : d'abord, le m a n q u e de f o n d s ; mais il advint tout de m ê m e u n m o m e n t où cette formule classique du m a u vais vouloir administratif se trouva périmée et où il fallut imaginer autre chose ; on d e m a n d a alors à Ange P i t o u de fournir des pièces de comptabilité, des quittances, de p r o d u i r e le p o u v o i r à lui délivré par L o u i s X V I . Des pièces de c o m p t a bilité, répliquait-il n o n sans raison, pouvais-je en c o n s e r v e r ? « Dans des circonstances c o m m e celles où je me suis trouvé, ne regarde-t-on pas c o m m e lâche ou traître celui qui, p o u r sa comptabilité, conserve des pièces qui c o m p r o m e t t e n t des intérêts majeurs ou des personnes m a r q u a n t e s ? O ù cacher ces pièces q u a n d on fouillait chez tous mes amis, chez mes connaissances, d a n s m o n cachot, dans mes aliments, jusque dans mes entrailles (sic)? Chez qui déposer ces pièces, lorsque je sortais du cachot noir, à côté des c o n d a m n é s à m o r t , p o u r aller outre-mer? Q u a n t à m o n pouvoir, il a eu le sort de mes autres p a p i e r s ; il ne fallait q u e cette pièce p o u r m e faire c o n d a m n e r à m o r t , mais m a mise en cause, ma déportation, ma conduite vous le représentent » 1

De telles mesquineries étaient lamentables : le duc d'Avaray dut le faire c o m p r e n d r e au comte de Pradel. Le 21 octobre, en effet, Ange P i t o u avait avec le vicomte de La Boulaye u n entretien décisif, et celui-ci lui p r o m e t t a i t formellement de faire a d mettre son compte à la liquidation, dès que les C h a m b r e s auraient fourni des fonds suffisants; en attendant, et p o u r apaiser ses créanciers, il lui serait accordé, c o m m e provisoire, u n e m e n sualité de 125 francs : le 28 octobre, cet e n g a g e m e n t était réalisé et le bon de secours envoyé. 2

1. Toute la Vérité au Roi. t. I. pp. 96 et s. 2. Id., p. 10. — Ange Pitou, aussitôt après cette entrevue, en rédigea le compte rendu : « Si vous n'avez point de pièces matérielles, lui dit La Boulaye, c'est que vous ne pouvez point en avoir par la nature des événements; mais les pièces morales suffisent, et pour vous prouver le degré de conviction


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