Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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l'excellent garçon s'exagérait singulièrement son importance et se croyait toujours aux heures fameuses du Directoire), il se décida à adresser u n e première pétition au m o n a r q u e , où il rappelait en termes brefs ses services et la nature des obligations de la C o u r o n n e à son égard . É t a n t d o n n é s l'état d'esprit du m o m e n t et la h a u t e influence que les émigrés avaient pris sur l'esprit et dans les conseils de Louis X V I I I , Ange P i t o u se trouvait en assez mauvaise posture : il avait d'abord le tort d'être resté en F r a n c e q u a n d tant d'autres l'avaient quittée et de fournir ainsi l'occasion d'une critique indirecte ; puis c'était u n h o m m e du c o m m u n , u n vulgaire chanteur des rues ! C o m m e n t de tels gens se permettaient-ils de servir la royauté ; si l'on était forcé d'admettre les services des royalistes de l'intérieur, tout au m o i n s prétendait-on avoir affaire à des d é v o û m e n t s distingués. Le g o u v e r n e m e n t ne d o n n a a u c u n e suite à sa pétition ; toutefois, le 2 0 décembre 1 8 1 4 , le duc d ' O r l é a n s lui octroyait le brevet de libraire de la duchesse d ' O r l é a n s , « lui permettant d'en apposer le tableau aux armes de son Altesse Royale au devant de sa maison et d'en p r e n d r e la qualité dans toutes les assemblées et en tous actes publics et particuliers ». Il habitait alors rue Lulli, n° 1 , derrière l'Opéra, et près de la Bibliothèque royale ; son magasin ne devait pas être extraordinairement achalandé, et son plus clair bénéfice était encore aux leçons particulières qu'il donnait. Désireux cependant de tenter à nouveau la fortune d'auteur, il se mit à composer u n e vaste compilation sur l'analogie des m a l h e u r s qui frappèrent la m a i s o n des Stuarts et celle des B o u r b o n s ; mais il choisit mal son heure : l'impression de l'ouvrage s'achevait, en effet, q u a n d Napoléon eut l'idée de revenir de l'île d ' E l b e . C'était là u n c o n t r e - t e m p s fâcheux p o u r l'écrivain qui, sans se livrer contre l ' E m p e r e u r déchu à q u e l q u ' u n e de ces basses diatribes si fréquentes alors, en parlait avec u n e indépendance de c œ u r , que son historien doit sévèrement apprécier, et d o n t la l o n g u e série de tribulations, qu'il allait par la suite éprouver de la part des B o u r b o n s , furent, d'ailleurs, l'expiation et le châtiment. 1

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C o m m e Ange Pitou avait engagé ses fonds dans cette p u b l i -

1. Pièces remarquables. Examen du dossier de Louis Ange Pitou. 2 . L'Urne des Stuarts et des Bourbons, p. 5o. — Le 2 0 mai 1814, Ange Pitou avait reçu de Frédéric-Guillaume de Prusse, une médaille d'or en retour d'une chanson, au reste, aussi pitoyable comme sentiments que comme style, qu'il avait composée sur l'Entrée de Louis XVIII à Paris (id., p. 45). 16


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