Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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groupes leur répondent. Louis XVIII et les alliés sont le cri de ralliement. D'un bout à l'autre des boulevards, les balcons sont pleins de monde, les croisées sont pavoisées. A neuf heures, une partie de la population est rangée depuis le faubourg Saint-Martin jusqu'à la place Louis X V . Les aides de camp viennent d'entrer; ils sondent le terrain : tous ont une écharpe au bras en signe de paix et d'union. A onze heures, les souverains entrent par la porte Saint-Martin en criant au peuple : « N o u s vous apportons la paix. » A ces m o t s , 4 0 0 . 0 0 0 voix répondent : Vivent nos libérateurs! — « Criez donc aussi : Vivent les Bourbons! » disent les souverains. A ces mots, plus de contrainte; on se presse, on s'embrasse, on crie : Vive Louis XVIII ! Vivent les alliés! Vivent nos libérateurs! A l'aspect de cette foule immense, les souverains, enchantés de leur victoire, se sont arrêtés, en entrant sur le boulevard, pour demander si toute la population s'était réunie en ce lieu : « Vous n'en voyez qu'une partie », leur a-ton répondu. Arrivés à la place Louis XV, l'empereur Alexandre, le roi de Prusse et les autres souverains ont reçu différentes pétitions; et, pour m o n trer au peuple leur désir de ramener le roi, ils ont coupé e u x - m ê m e s des mouchoirs blancs et des rubans, qu'ils ont distribués à ceux qui ne pouvaient s'en procurer. N o n contents de ce témoignage de leurs intentions pour le retour du souverain légitime, ils ont laissé le palais des Tuileries à celui qui doit l'occuper et sont descendus dans des hôtels particuliers. Les comtes Pasquier et Chabrol sont maintenus dans leurs postes de préfet de police et du département; la garde nationale de Paris est c o n s e r v é e ; elle fera le service conjointement avec les troupes alliées. Les armées alliées occupent Paris; les uns bivouaquent sur les places publiques, d'autres sur les quais ; les boulevards, les ChampsE l y s é e s , le Champ de Mars sont occupés par une immense quantité de soldats de toutes les nations; la garde impériale et les corps royaux sont postés dans les lieux les plus fréquentés; les deux rives de la Seine offrent un coup d'ceil des plus animés ; les vivandiers et les marchands de comestibles ont déjà trouvé le m o y e n de se faire e n tendre des habitants du Caucase et de la Tartarie : les deux peuples sont parfaitement au fait du change des différentes m o n n a i e s . T o u t Paris est sur pied ; la paix et la sécurité répandent la joie sur tous les v i s a g e s ; il nous semble déjà que tous ces étrangers sont Français : on voudrait avoir des ailes pour se transporter en même temps dans tous les lieux. L'officier prussien, envoyé ce matin à l'Hôtel de Ville c o m m e parlementaire, est descendu de cheval, en disant ; « Enfin, Messieurs, nos malheurs sont finis ! » U n e foule immense de personnes de tout âge, de tout rang et de tout sexe se répand dans les lieux publics et se confond avec les officiers et les soldats étrangers. Des cris de : Vive Louis XVIII! Vivent


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