Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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ANGE

PITOU

A s s u r é m e n t , il n'en vit pas si long, et son h u m e u r légère et inconsidérée ne pouvait prévoir de telles complications. Grisé par la réussite du Voyage à Cayenne, il crut saisir là u n e indication de la destinée : si le métier d'auteur était susceptible de tels bénéfices, que ne devait d o n c pas gagner celui qui serait tout ensemble l'auteur, l'éditeur, le vendeur de son l i v r e ! en bonne logique, le profit devait être triplé : une telle croyance devait lui causer quelques désillusions a m è r e s . Sur ces entrefaites, il épousa, le 29 octobre 1806, en l'église Saint-Eustache, u n e demoiselle Allard, fille d'un secrétaire de l'intendance de Moulins, de dix ans plus âgée que lui. Cette différence d'âge semblerait écarter l'idée d ' u n sentiment bien vif et rend assez vraisemblable l'affirmation d'Ange Pitou que sa femme lui apportait u n e dot de 10,000 francs : ce chiffre-là, il est vrai, n'est pas confirmé par le contrat, mais il faut r e m a r q u e r q u e le total des apports des deux conjoints arrive à peu près à cette s o m m e , et il est encore bien possible que les futurs époux, p o u r éviter des frais, n'aient déclaré au fisc q u ' u n e partie de leur avoir. D ' u n autre côté la demoiselle Allard, libre d'ellem ê m e et de sa fortune, a très bien p u , de ses propres deniers, constituer à son futur m a r i , c o m m e gage d'affection, u n e dot, qui, en cas de décès, devait en partie lui faire retour \ Q u e fut exactement cette demoiselle Allard et quelle satisfaction les deux époux curent-ils l'un de l'autre? C'est u n e question sur laquelle les d o c u m e n t s font un peu défaut; au reste, de telles q u e s t i o n s sont u n peu en d e h o r s du d o m a i n e de l'histoire. Il semble à peu près p r o u v é que l ' h u m e u r de l'épouse ne fut pas toujours des plus douces (son m a r i , dans u n de ses livres, la compare m ê m e à la femme de J o b ) ; en revanche, Ange Pitou dut, au cours de son mariage, se ressouvenir u n peu plus qu'il ne convenait de ses b o n n e s fortunes passées et tenter d'en courir à nouveau la chance près de p e r s o n n e s faciles ; parfois m ê m e il lui advint de s'attarder un peu t r o p au cabaret : mais les m a l h e u r s , qui devaient fondre sur lui, expliquent, s'ils ne les 2

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1. Voir le contrat de mariage aux pièces justificatives. — L'apport d'Aufi Pitou est de 2,400 francs, celui de M Allard d e 4 , 0 0 0 francs; mais de plus Ange Pitou fait donation à sa future femme, en cas de survie, d'une somme de 3,ooo francs. 2. Dans un procès en date du 11 octobre 1822, un témoin M. Gémon déclare avoir été interpellé aux Tuileries par M. Pitou « ayant une fille sous le bras » (cf. Journal des Débats à cette date). 1U


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