Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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ANGE

PITOU

sommes fous l'un et l'autre, M. le Marquis, vous, d'avoir peur de vos chimères, moi de rire en croyant à mes réalités » Ange Pitou resta quinze mois en p r i s o n , écrivant sans succès près de deux cents lettres à toutes les autorités ; des amis, c o m m e Mercier, s'employaient bien à améliorer sa situation, mais les jacobins et les amis des agents de C a y e n n e d o n n a i e n t leurs soins à ce qu'il fût à nouveau déporté. Le 21 juillet i 8 o 3 , u n de ceux, qui faisaient en sa faveur des d é m a r c h e s au ministère de l'intérieur, le vint avertir qu'il eût à se tenir prêt à partir le 27 pour l'île d ' O l é r o n , en c o m p a g n i e d'une c i n q u a n t a i n e de révolutionnaires : ses e n n e m i s avaient ainsi trouvé le moyen qu'ils cherchaient depuis l o n g t e m p s , en substituant sur la liste des déportés son n o m à celui de Vatard, l ' i m p r i m e u r du Journal des hommes libres, ils sauvaient u n frère et ami en p e r d a n t u n royaliste. Sans larder, Ange P i t o u dénonça la machination à C h a p t a l , le m i nistre de l'intérieur; on vérifia le fait, et un r a p p o r t en fut adressé au P r e m i e r C o n s u l , qui remit sur la liste des déportés le n o m de Vatard et effaça celui de P i t o u , d o n t il connaissait cependant les agissements au m o m e n t du 18 fructidor. T r o i s mois encore, le prisonnier resta à Sainte-Pélagie, et il n'y avait pas de raison p o u r que cette situation prît fin : il écrivit alors au chef de l'Etat, qui visitait les départements du N o r d ; la lettre parvint à B o n a p a r t e , qui fut frappé de cette injustice. R e n t r é à Paris le 7 septembre, le 8 il assemblait son conseil privé p o u r examiner le cas de l'ancien c h a n t e u r ; Ange Pitou trouva en B a r b é - M a r b o i s un défenseur c h a l e u r e u x , mais cependant la majorité lui était manifestement défavorable, et T r e i l h a r d , n o t a m m e n t , le représentait c o m m e u n royaliste dangereux. « Plaise à Dieu, s'écria alors B o n a p a r t e , que tous ceux qui me servent aient p o u r moi a u t a n t d'énergie qu'il en a m o n t r é p o u r les B o u r b o n s »! et il signa la grâce du prisonnier Dès qu'il eut recouvré la liberté, le p r e m i e r soin d'Ange P i t o u fut d'obtenir u n e décision favorable p o u r la publication de son livre. Déjà la levée des scellés avait été accordée à l'imp r i m e u r L e n o r m a n t ; celui-ci avait, en effet, prétexté le préjudice d ' u n e telle m e s u r e , qui l'obligeait à payer depuis deux ans la location de la c h a m b r e , sur laquelle les scellés avaient été a p p o s é s ; Ange P i t o u , à son t o u r , d e m a n d a au ministre de la

1. Ange Pitou. Analyse de mes malheurs, p. 9«. 2. Voir cette lettre de grâce aux pièces justificatives.


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