Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

Page 237

ANGE

PITOU

213

concerta avec quelques amis p o u r profiter de l'occasion ; mais ce n'était pas une petite affaire q u ' u n tel voyage, et où trouver des fonds? P e r s o n n e l l e m e n t l'ancien c h a n t e u r était d é b a r q u é en Guyane avec quarante sous ; tout son avoir se bornait actuellement au manuscrit de son futur Voyage à Cayenne, et le prix de la traversée était de près de 5oo francs ! Par b o n h e u r il se trouva que VAssistance était u n e ancienne Prise, qui venait d'être revendue par Victor H u g u e s et que celui-ci envoyait à un a r m a t e u r de N e w - Y o r k : p o u r que le bâtiment ne fît point envie aux Anglais, il lui sembla adroit de le charger de déportés i n d i g e n t s ; p a r m i ceux qui sollicitaient leur retour, il en choisit d o n c sept qui pouvaient payer les frais du voyage, A n g e P i t o u fit le h u i t i è m e . L ' e m b a r q u e m e n t fut p o u r t a n t contrarié par le mauvais état de la mer, et le brick m i t à la voile trois jours de suite sans p o u v o i r sortir du p o r t ; mais enfin, le 26 mai 1801 (7 prairial an IX), le départ fut effectué, et Ange Pitou et ses c o m p a g n o n s eurent la joie de voir disparaître peu à peu dans la b r u m e cette terre funeste, °ù tant de leurs camarades étaient restés pour toujours et que leur destinée, exceptionnellement favorable, leur permettait de Quitter i n d e m n e s . La traversée s'effectua sans incidents notables ', et le 23 juin Jls débarquaient à N e w - P o r t , esquivant ainsi la q u a r a n t a i n e obligatoire à N e w - Y o r k . Ils restèrent cinq jours à N e w - P o r t , où Jls reçurent u n excellent accueil, et le 3 juillet ils arrivaient à New-York. Cette ville comptait alors beaucoup de F r a n ç a i s , qui s'v étaient réfugiés p e n d a n t la t o u r m e n t e révolutionnaire ; tous rivalisèrent de zèle p o u r fournir aux proscrits les subsides qui Iour permissent de regagner la mère-patrie, et Ange P i t o u put ainsi s'assurer le passage à bord de la Sophia. Le vaisseau leva l'ancre, le 23 juillet, avec vingt-trois passagers : la traversée fut c h a r m a n t e , et, le 3o août, à m i d i , les côtes de F r a n c e et le H a v r e étaient en vue... Mais tout d'un c o u p le navire s'aperçoit qu'il est cerné par deux a g a t e s anglaises : rien à faire, le bateau français est p r i s o n n i e r 1. Le premier bâtiment qu'ils croisèrent, à leur sortie de Cayenne, f u t la Chiffonne qui transportait à Mahéc-lcs-Sechcllcs, soixante-ct-onze jacobins, dont Bonaparte jugeait bon de débarrasser le pays; l'explosion de la machine lnfernalc avait été le prétexte de leur déportation. Parmi ces derniers se t r o u v a i t Guillemot, le commissaire de police qui avait arrêté Ange Pitou en 1793 pour l'amener au tribunal révolutionnaire. Les révolutions ont de Ces retours de fortune !


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.