Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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ce sol fertile, mais marécageux, dont les é m a n a t i o n s méphitiques d o n n a i e n t à ceux qui le cultivaient u n e sorte de peste, n o m m é e répian. Le régisseur avait reçu l'ordre de faire travailler Ange P i t o u : 1 le conduisit à u n e cabane infecte, dans laquelle soixante nègres dansaient ou d o r m a i e n t a u t o u r d'un grand feu. U n ulcère, qui lui survint à la jambe, le contraignit au repos et lui d o n n a le loisir de songer aux h o r r e u r s de sa position. T r i s t e s , bien tristes furent les soirées passées dans ce karbet à écouter, à la l u e u r d'un tison fumeux, les entretiens des nègres s o u p a n t d'une panade de bananes et de mauvais bœuf portugais, c o n t a n t d'extraordinaires aventures, accompagnées de cris d ' a n i m a u x , de chants d'oiseaux ou de tout autre bruit, i n d i q u é dans le récit, et que les auditeurs ou les n a r r a t e u r s imitaient p o u r en accentuer l'intelligence ! Mis au c o u r a n t de cette infortune, Barbé-Marbois et LaffonLadebat envoyèrent alors u n subside au pauvre c h a n t e u r , qui leur en d o n n a u n reçu. Quelle était la provenance exacte de cet a r g e n t ? Barbé-Marbois déclare que l'évêque de Saint-Pol-deLéon avait fait parvenir mille louis aux prêtres déportés, par l'intermédiaire de M . Coëtlosquet à S u r i n a m ; Ange P i t o u affirme, au contraire, que ce furent les Anglais et les compagnons de Louis X V I I I qui leur envoyèrent cent mille francs par S u r i n a m . . . Il y a p r o b a b l e m e n t exagération sur le chiffre, mais je pense que la vérité se trouve ici, du côté de P i t o u , qui, du reste, n'a jamais varié dans cette affirmation, et que l'évêque de Saint-Pol-de-Léon ne fut dans cette circonstance q u ' u n intermédiaire . ]

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1.Voici ce qu'ont dit Barbé-Marbois et Ange Pitou à ce sujet : « L'évêque de Saint-Pol-dc-Léon fit parvenir aux déportés 1,000louis. La somme fut apportée à Surinam par M. Coëtlosquet; elle n'était destinée qu'aux plus pauvres et devait leur être distribuée dans la proportion de leurs besoins... L'habitude de craindre Burnel, l'usage, où il était de convertir en délit les choses les plus légitimes, déterminèrent l'agent principal de cette œuvre de bienfaisance à se servir de distributeurs intermédiaires » (Barbé-Marbois. Journal d'un déporté non jugé,t. Il, p. i73). « Du 2 0 au 3o prairial an VII, on nous informe que nous avons des fonds a Surinam : on nous demande la liste de ceux qui ont survécu à de si grands malheurs. Tandis que les nations étrangères à qui nous aurions dû être indifférens, donnaient des leçons d'humanité à Burnel... (Ange Pitou, V o y a g e à Cayenne. 1 8 0 4 . t. II. p. 1 7 0 ) . « Les Anglais et les compagnons de Louis XVIII nousenvoyent 1 0 0 , 0 0 0 fr. Par Surinam » (Id. Une vie orageuse. 1 8 2 0 , t. III. p. 4 7 ) .


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