Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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exactions, celui-ci parlait de mitrailler tout le m o n d e et s'exclamait c o m m e u n forcené : « Rien n'est trop chèrement vendu à ces monstres, ils ne sont pas au bout de leurs pelotons, ils d a n seront bien une autre carmagnole q u a n d il faudra fouiller la terre ; au bout de six mois ils n ' a u r o n t plus de vivres, qu'ils aient a se rétablir, à se placer ou à crever au plus vite. » Le 5 vendémiaire, sur les quatre-vingt-deux déportés de Konaniana, soixante étaient malades tant à l'hospice que dans les karbets (ce chiffre est donné par le garde-magasin Beccard luimême) ; quelques jours plus tard, treize étaient m o r t s : ce fut alors une véritable peste, car l'air était entièrement vicié par les miasmes et les exhalaisons fétides, et, p o u r sortir sans danger, tl fallait avoir c o n s t a m m e n t sous le nez un m o u c h o i r trempé de vinaigre. Le poste lui-même fut atteint, et Freytag, dont l'humanité était ta seule consolation de ces infortunés, t o m b a m a l a d e ; ses subalternes alors, n o t a m m e n t Beccard et les nègres, en profitèrent p o u r rançonner cruellement les déportés. Le scandale fut bientôt tel que Freytag, malgré son état, se leva p o u r se rendre compte des choses et en écrivit ainsi à l'agent de Cayenne : Les déportés, le détachement, les employés sont dans un état épouvantable, tout le monde est malade, et plusieurs sont près d'expirer; tls sont dépourvus de tout, et même de médicamens : les déportés ont des hamacs fort étroits qui n'ont que 4 pieds de long. Les malades tombent et meurent sans secours. Il est des jours où il en est mort trois et quatre... L'hôpital est dans l'état le plus déplorable; la malpropreté, le peu de surveillance ont causé la mort à plusieurs déportés. Quelques Malades sont tombés de leurs hamacs pendant la nuit, sans qu'aucun mfirmier les relevât : on en a trouvé de morts par terre. Un d'eux a été étouffé, les cordes de son hamac ayant cassé du côté de la tête, et les pieds étant restés suspendus. Les effets des morts ont été enlevés de la manière la plus scandaleuse. On a vu ceux qui enterraient les morts, leur casser les jambes, leur marcher et peser sur le ventre, pour faire entrer bien vite leur eadavre dans une fosse trop étroite et trop courte; ils commettaient P omptement ces horreurs, pour aussitôt courir à la dépouille des expirans. Les infirmiers insultaient les malades et les accablaient d'expressions infâmes, ignominieuses, cruelles, au moment de leur agonie. Le garde-magasin, dépositaire des effets des déportés, ne consentait à leur rendre qu'une partie de ce qu'ils réclamaient, il leur disait ; « Vous êtes morts, ceci doit vous suffire. » r


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