Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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PITOU

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Mais le c o m m a n d a n t de la marine, n'osant p r e n d r e sur lui une telle décision, en référa au ministre, qui en appela au Directoire, lequel émit l'opinion que la Charente resterait en rade : et, du 4 germinal (24 mars) au 3 floréal (22 avril), les déportés curent à subir le supplice d'une prison flottante et faisant dixhuit pouces d'eau par heure ; combien ce sort cependant était Préférable à celui qui les attendait ! La Décade fut désignée p o u r effectuer la traversée de la Guyane aux lieu et place de la Charente. Ce vaisseau était commandé par des Jacobins exaltés : le capitaine Villcneau était u n être violent et craintif, d u r aux déportés, redoutant le Directoire Presque a u t a n t que les Anglais, faisant piller i m p i t o y a b l e m e n t une barque de pêche montée par six h o m m e s , et, dans u n instant d'affolement, p r e n a n t u n e compagnie de baleines p o u r u n e escadre anglaise; q u a n t au reste de l'état-major, à l'exception du lieutenant Jagot, à l ' h u m a n i t é d u q u e l l'un et l'autre s'accordent a rendre h o m m a g e , J.-J. A y m é et Ange P i t o u varient assez dans leurs témoignages. P o u r celui-là, « c'étaient presque tous des oflicicrs distingués dans les comités révolutionnaires » ; celui-ci, au contraire, loue les b o n s procédés à son égard de Plusieurs d'entre eux. Bien vraisemblablement sa réputation de fantaisiste avait servi Ange P i t o u dans l'esprit de ces officiers ; aussi, de tous les déportés fut-il le mieux traité et le seul à avoir la permission de rester le soir, aussi longtemps qu'il le voulait, sur le pont, où ses c h a n s o n s distrayaient officiers et marins : son témoignage peut d o n c être suspecté d'un peu de complaisance, c o m m e aussi de quelque acrimonie celui d ' A y m é , qui avait bénéficié sur la Charente des faveurs, que P i t o u t r o u a i t sur la Décade. Cette Décade était un vieux navire, que l'Etat avait prêté au commerce et qu'il venait de lui r e p r e n d r e ; il pouvait tout au Plus contenir cent cinquante passagers, ce qui indique déjà Quelle devait y être l'installation des cent quatre-vingt-treize déportés de la Charente. Nous fûmes placés dans l'endroit appelé l'entrepont situé entre la cale et la batterie. Ce local avait environ 4 pieds et demi de hauteur; il ne recevait de jour que par les écoutilles, c'est-à-dire par deux ouvertures de 3 pieds en quarré, qui nous servaient d'entrée et

1. J-J. Aymé, Déportation,

etc. p. 79.


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