Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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PITOU

représentation nationale ; mais encore, à cette époque d'indécision, n'osait-on trop faire fond sur l'armée, où P i c h e g r u c o m p tait bien des sympathies : ce dernier, le 1 2 fructidor, ne montrait-il pas au chevalier de L a r u e une lettre d'un des p r i n cipaux généraux, lui p r o m e t t a n t son c o n c o u r s et celui des trente mille h o m m e s qu'il c o m m a n d a i t ? Les soldats d'Augereau, d'ailleurs, par leurs allures de s o u d a r d s , mécontentaient les Parisiens, qui alors n'aimaient point à être molestés, et Ange Pitou des p r e m i e r s devait avoir maille à partir avec eux : M. Pitou, le chantre de la contre-révolution, — lit-on dans le Journal des hommes libres du 2 4 thermidor — exerçait hier ses talens aux C h a m p s - E l y s é e s , prêchant la religion de nos pères et la royauté. Au milieu de sa harangue, il s'avisa de dire que les soldats ne sont pas aussi redoutables aux honnêtes gens qu'on le croirait, et qu'il y avait un bon m o y e n de s'en assurer, en leur payant à boire.... A cette noble plaisanterie vous eussiez vu cinq ou six grenadiers menacer du plat de leur sabre le chantre de Clichy, tous les zolis cavaliers l'abandonner au grand trot, et le misérable implorer la pitié des républicains qui l'entourent, quitte cette fois seulement pour la peur. Ainsi garre la prochaine rechute '.

De leur côté, les royalistes se r e m u a i e n t b e a u c o u p , mais ce pauvre parti, qui avait à sa disposition tous les éléments du succès, m a n q u a i t de direction et d'unité de vues. Ses multiples agents travaillaient c h a c u n de leur côté et c o n t r a d i c t o i r c m e n t ; la réunion de Clichy était u n e simple parlotte où les m o u c h a r d s accédaient plus facilement que les m o n a r c h i s t e s ; de plus, tout un lot de constitutionnels, férus de légalité et respectueux des fictions parlementaires, voulaient que le c o u p de force, que manifestement le Directoire préparait contre eux, eût reçu un 1. Ange Pitou raconte de façon très différente cet incident dans VAnalyse de mes malheurs (p. 23) : « Le Directoire, en voyant arriver à son secours Augereau, envoyé par Bonaparte, espéra que les soldats à la suite de ce général, pour épouvanter les Parisiens, feraient quelques-uns de ces coups de mains des Marseillais se mesurant aux Champs-Elysées avant le 10 août 1792. Un soir que je chantais dans cet endroit, je fus entoure de cinquante de ces militaires : je les pérorai contre les Terroristes en faveur des deux Conseils et je leur fis entendre que le Directoire cherchait à faire d'eux des instruments de ses projets liberticides. A ces mots ils tirèrent le sabre pour me tuer; les auditeurs les arrêtèrent, me défendirent et leur expliquèrent le sens de ce que je leur disais. J'étais accoutumé à ces rixes politiques et je vois encore aujourd'hui aux Invalides des officiers et de vieux militaires qui, sortant de mon cercle, ont souvent été sur le terrain pour défendre les principes que j'énonçais en public. »


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