Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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ANGE

PITOU

Le plan, imaginé par L o u i s X V I I I et t r a n s m i s à ces agences, consistait à se concilier d'abord les bonnes grâces de l'armée, puis à chercher à s'emparer par la c o r r u p t i o n de l'administration, à se rendre maître des Conseils par les élections p o u r le renouvellement du tiers, entin à travailler s o u r d e m e n t le D i r e c toire et à s'assurer de Paris p o u r entraîner les provinces. Cette combina^ione, assez terne et très c o m p l i q u é e , d e m a n d a i t p o u r aboutir d'habiles conspirateurs, p r u d e n t s et diplomates, experts dans l'art de la feinte, ayant la grande habitude des h o m m e s et la connaissance des caractères ; au lieu de cela on fit choix de gens enthousiastes, écervelés, d ' « emballés », toujours disposés à p r e n d r e leurs désirs p o u r la réalité. D an s ce p r o g r a m m e , Ange P i t o u semble avoir eu p o u r rôle spécial de c o r r o m p r e l'administration et de disposer l'esprit public en faveur d e l à m o n a r c h i e : l'expérience et la pratique de la foule lui avaient, en effet, d o n n é cette connaissance des i n d i vidus, qui faisait totalement défaut aux commissaires r o y a u x ; il savait à quelle porte on pouvait frapper, et marchait à coup sûr, p r e n a n t g r an d soin de ne laisser derrière lui a u c u n e indication qui pût être exploitée à son d o m m a g e . Le p r e m i e r acte des commissaires royaux avait été de d o n n e r à cette conspiration une allure b u r e a u c r a t i q u e : ils avaient des bureaux, des secrétaires1, des registres, des correspondances soigneusement classées et p o u v a n t servir de modèles à bien des archives; il ne m a n q u a i t q u ' u n livre de caisse et le répertoire des gens par eux c o r r o m p u s p o u r faire de l'agence royaliste la mieux tenue des a d m i n i s t r a t i o n s . Naturellement, la police connaissait le fonctionnement de l'agence aussi bien et m ê m e mieux que les commissaires r o y a u x eux-mêmes, et p o u r les p r e n d r e le g o u v e r n e m e n t n'avait qu'à choisir à son gré l'instant le plus favorable; l'occasion se retrouvait f r é q u e m m e n t . P o u r conquérir le t r ô n e , en effet, L o u i s X V I I I jamais ne

renecs avec moi; ils me montrèrent leurs pouvoirs et m'en remirent de particuliers pour agir, recevoir et payer au nom du Roi, me firent part de leurs dessins. Il fut convenu que tous les moyens seraient employés pour influencer les élections de 1797, réarmer la Vendée, ébranler et changer le gouvernement. En décembre 1796, les commissaires royaux me donnèrent tant d'influence que le peuple m'arracha plusieurs fois des mains de la force armée; si je n'avais pas payé beaucoup de monde, le produit de mes imprimes m'aurait permis de réaliser au 1 " janvier 1797 plus de 2 0 0 , 0 0 0 francs. » (Cf. Une vie orageuse, tome III, p. 42.) 1. Les deux demoiselles More de Prémilon,


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