Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

Page 155

ANGE

PITOU

131

Les séances du chanteur d u r e n t m ê m e intéresser l'observateur, qui en était u n des auditeurs assidus et en notait les moindres i n c i d e n t s ; il rapporte ainsi à la date du 29 du m ê m e m o i s : Le fameux chanteur de Saint-Germain-l'Auxerrois s'amusait hier soir et régalait ses spectateurs de chansons plaisantes sur les affaires du temps. Gomme il en finissait une où il peint la liberté dans sa vieillesse se traînant avec des béquilles un citoyen au visage refrogné s'est avancé et lui a demandé un exemplaire en marmottant on ne sait quoi entre ses dents. On présume que le quidam est Delaunay d'Angers, député. Au reste, le chansonnier ne s'en est pas moins gayé tout le reste de la soirée. e

L a verve du c h a n t e u r égayait m ê m e le policier : dans certains de ses r a p p o r t s il d o n n e force éloges à P i t o u , et, p o u r ne pas trop indisposer ses chefs contre l'amuseur public, dans celui du 12 frimaire (2 décembre) il le déclarait en butte aux colères des J a c o b i n s . Le chanteur du cloître de Saint-Germain-l'Auxerrois attire toujours la foule. Les chansons que l'on dit être faites par lui sont une galerie de dix tableaux aussi vrais que frappants. On y voit successivement représenté le fournisseur honnête homme, l'ambitieux législateur, le fanatique révolutionnaire et l'ignorant sans-culotte. Le public né malin s'amuse beaucoup de tous ces portraits, mais les Jacobins et les coupe-jarrets de Robespierre en disent pis que pendre. Quelques jours après, le 24 frimaire, la note change u n peu : Le chanteur qui se tient sur la place de Saint-Germain-l'Auxerrois continue de tourner en ridicule la représentation nationale et a toul°urs autour de lui les principaux ennemis du gouvernement pour Pplaudir a ses sottises. a

1. Cette chanson n'est autre que les Lunettes et la Nouvelle béquille, grivoise actualité sur la mode de l'époque qui faisait porter des lorgnons et de grosses cannes; voici le quatrième couplet de cette chanson qui figure dans le Chanteur parisien de 1808, p. 18 : C'est en se chamaillant Pour la chose publique Qu'on fait clopin-clopan Boiter la République. Moins leste que nos filles La jeune liberté Court avec des béquilles A la caducité.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.