Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

Page 154

1З0

ANGE PITOU

E t chaque jour les c h a n s o n s succédaient aux c h a n s o n s , « les C o n t r a d i c t i o n s » , « les L u n e t t e s », « la Nouvelle béquille », « le Miroir de la raison présenté aux aveugles de France », etc., etc. T o u t e cette m u s i q u e n'était pas sans arriver aux oreilles de la police, et Ange P i t o u , rapporte u n c o n t e m p o r a i n , était tellement habitué à être arrêté qu'il laissait son b o n n e t de nuit à la Force c o m m e à son domicile le plus ordinaire : ces e m p r i s o n n e m e n t s n'avaient pas, d'ailleurs, de bien graves conséquences et le libéraient m ê m e p o u r q u e l q u e s instants des i m p o r t u n s et des fâcheux q u i ne m a n q u a i e n t pas de l'assaillir. Des deux polices qui se partageaient alors l'inspection de P a r i s , il avait très p r o bablement, contre finances, gagné l'une, la police de l'intérieur, qui relevait d u bureau central, car jamais son n o m ne se trouve m e n t i o n n é dans l'un q u e l c o n q u e des r a p p o r t s quotidiens de ses agents, et ce n'étaient p o u r t a n t pas les occasions qui m a n q u a i e n t . M a l h e u r e u s e m e n t p o u r l u i , mais h e u r e u s e m e n t p o u r son historien, la police de l'Etat-Major ne s'était pas laissé c o r r o m p r e et ses « observateurs » l'eurent particulièrement à l'œil, à dater des p r e m i e r s mois de l'an V *. 1

L'observateur de cette police le signalait ainsi le 19 b r u m a i r e an V (10 n o v e m b r e 1796) : Cloître Saint-Germain-l'Auxerrois, il se tient ordinairement, près du puits, un chanteur qui chante les chansons les plus atroces contre le gouvernement et les autorités constituées. Hier encore, son impudence paroissoit être augmentée, entre chaque couplet il se permettait les réflexions les plus incendiaires, il disoit que le Directoire était un comité de Chouans, les deux conseils des bandes de Cartouchiens, les ministres des assassins, il ajoutait qu'au premier de l'an la République allait accoucher d'un R o y , que depuis six ans elle était en travail de cet accouchement, qu'il étoit enfin tems que cela finisse et que nous s o y o n s débarrassés d e s emprunts forcés, des patentes, des cartes au pain, des passe-ports, des tribunaux révolutionnaires et des c o m m i s s i o n s militaires. L e s bons citoyens sont surpris que la police ne sévisse point contre cet h o m m e . !

1. Journal gênerai de France, 1" février 1817. 2. Aux Archives Nationales, on n'a pas encore retrouvé les rapports d cette police de l'état-major pour la période de germinal à messidor et d 2G thermidor à la fin de fructidor de l'an V. 3. Archives Nationales. F 3828. — C'est également dans ce carton qU sont pris, sauf indication contraire, les rapports, transcrits ci-après. 1

c

u

e


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.