Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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et peu contents. Alors M. Pitou répétait avec plus de force le couplet, occasion du tumulte, et donnait encore plus d'expression à son geste. L'auditoire, dans ces circonstances, redoublait toujours d'attention, et M. Pitou ne chantait plus qu'on l'écoutait encore '. Le « cercle » d'Ange Pitou ne ressemblait nullement aux ordinaires assemblées des c h a n t e u r s des r u e s ; sans doute le populaire, a m a t e u r de spectacles gratuits, y participait bien, mais la majeure partie de l'auditoire était nettement réactionnaire et aristocratique : on trouvait là des royalistes, c o m m e le libraire Dentu qui offrait sa maison au c h a n t e u r p o u r esquiver les investigations de la police *, des émigrés, des journalistes, quelques députés, beaucoup de prêtres, plus encore de jolies femmes. Voici, au s u r p l u s , d'après le jugement de b r u m a i r e an V ï quelle était la façon d'opérer d'Ange P i t o u et la tenue de ce spectacle en plein vent : ;

De jour en jour on voit grossir autour de ce chanteur les réunions et les rassemblements : il annonce le soir ce qu'il chantera le lendemain; il invite les citoyens auditeurs à lui faire passer les impromptu qu'il se fera un plaisir de chanter au public : mais ces soi-disant impromptu qu'il dit lui être adressés ne sont autre chose que des couplets de sa façon, qu'il a grand soin de ne pas insérer dans les cahiers qu'il distribue et vend au public : ces impromptu sont, ainsi 3

1. Journal général de France, i " février 1817 : article de M. Colmct. — Dans Paris pendant la Révolution, ou le Nouveau Paris, chapitre 40» Mercier écrit également : « L'un d'eux [les chansonniers], nommé Pitou s'était fait un si nombreux auditoire que la garde n'osait l'interrompre dans ses fonctions chantantes. » 2. Ange Pitou. UneVie orageuse, t. 1. p. 2 7 1 . — « Dentu (J.-A) père et fils, imprimeurs-libraires à Paris. M. Dentu père était attaché au service de M. Christophe de Bcaumont, archevêque de Paris, et prédécesseur de M. Louis le Clerc de Juigné. En 1796, il m'a rendu des services, m'a prévenu des dangers qui me menaçaient. Lorsque je prêchais la royauté en public, M. Dentu, réuni aux honnêtes gens, donnait la chasse aux révolutionnaires qui venaient m'assaillir, et m'a souvent offert sa maison pour retraite. » 3. Le fait est parfaitement exact : on peut s'en assurer en consultant à la bibliothèque de la ville de Paris, un recueil de chansons des rues (collection Ratry. 18, 149), où j'ai retrouvé deux cahiers de chansons d'Ange Pitou. Le premier comprend la chanson des « Incroyables» (qu'on retrouve dans le Chanteur parisien), des « Reproches de la mère Brusquct à Marie Chiffon, sa fille, qui ne cesse de fréquenter les bastringues, chanson dialoguée par le citoyen Pierre », et une troisième intitulée « Coup d'œil sur ' misère des rouliers et des charretiers ». Le second cahier contient « le Porteur d'eau » (qui se trouve dans le Chanteur parisien), mais allégé des coua


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