Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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ANGE

PITOU

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Précautions. M. Pitou ne commençait sa mission politique et chantante que vers le soir, mais dès le matin g heures, de jolies femmes faisaient retenir et garder des places par leurs domestiques \ afin de se trouver Pll(s près du BEAU CHANTEUR, c'est ainsi qu'elles l'appelaient. A 9 heures et demie du soir, M. Pitou s'arrachait à ses triomphes; mais la foule ébahie demeurait sur la place où la retenaient fixée jusqu'à 11 heures et l'admiration pour le chanteur, et les réflexions et les commentaires qu'on faisait sur ses chansons. Est-il v r a i m e n t u n e indication qui peigne m i e u x cette surPrenante époque du Directoire que le fait de ces belles, ainsi t r i e u s e s d'écouter u n « beau chanteur » des rues, et se faisant, d°uze heures d'avance, retenir des places p o u r être plus près de lui? Ange Pitou t r i o m p h a i t place Saint-Germain-l'Auxerrois, t0ut c o m m e n a g u è r e s , sous les tyrans, Gluck et M1Ie L a g u e r r e à l'Opéra. Ses séances constituaient d o n c un des plaisirs m o n d a i n s de la s°ciété parisienne, le genre était d'y assister; et mieux que par ur»e police, le c h a n t e u r était défendu par ses belles admiratrices : Les femmes surtout — c'est un rédacteur du Constitutionnel qui Parle ' _ . se passionnent pour ce spectacle de nuit et en plein air, et quand les gardes nationales et les gendarmes arrivent, ce sont elles qui les arrêtent. Loin de déchirer leur Orphée, elles empêchent 1u'on ne le touche; leurs flots qui l'enveloppent le dérobent vingt fois aux mains qui veulent le saisir. Cependant on le saisit parfois et Parfois on lui ravit sa liberté ; mais, les dames, on ne sait comment, disent ses fers et il chante encore. Durant plus d'une année M. Pitou a eu trois appartements et trois lits au moins, un chef lui, un en ville, et l autre en prison. Cet e n g o u e m e n t féminin, le jugement du 9 b r u m a i r e an VI lc constate et l'explique ainsi dans l'un de ses « at t endus » : 11 était accompagné et soutenu de gens aflidés et notamment de femmes qui applaudissaient à tout moment et étaient fort empressées de se faire remarquer par Pitou. Il paraît que ces applaudissements n'étaient pas gratuits; car quelques-unes de ces femmes, craignant, Vu obscurité de la nuit, de n'avoir pas été aperçues de Pitou, ont dit : «Nousavons perdu notre journée, car Pitou ne nous a pas vues. »

1 • Ce fait est également atteste par M. Colmct, dans un article paru dans le Journal gênerai de France en date du ior février 1817, et dans deuxarticles du Constitutionnel des i°r et i5 mai 1816, 2. Constitutionnel, 1er et 5 mai 1816.


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