Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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ANGE

PITOU

bien vite fait d'acquérir les b o n n e s grâces du geôlier

1

et les

faveurs de son é p o u s e ; n'avait-il pas p o u r réussir a u p r è s de l ' u n e et de l'autre deux p u i s s a n t s m o y e n s , u n e aimable t o u r n u r e et b e a u c o u p d ' a s s i g n a t s ? O n peut d o n c croire qu'il ne s ' e n n u y a pas t r o p d a n s sa p r i s o n , et q u e le t e r m e de cinq m o i s qu'il y resta ne lui p a r u t p o i n t t r o p l o n g : mais cette villégiature porta un c o u p fatal à V Ami

du

Peuple,

qui,

ne p o u v a n t

servir

à

sa

clientèle sa ration a c c o u t u m é e de factices violences, se mit à p é r i c l i t e r ; en nivôse, Lebois c h e r c h a i t t o u j o u r s un r é d a c t e u r en chef, et Babceuf essayait d'y caser aux lieu et place de P i t o u « le b o n p o p u l a c i e r S i m o n », p o u r e m p ê c h e r le j o u r n a l « de t o m b e r e n c o r e d a n s de m a u v a i s e s m a i n s ». du 10 août. Un fédéré de Marseille, nommé Nevoc, pâle et tremblant la fièvre, monta à la tribune des Jacobins et tint ce discours que j'ai copie dans le temps, sous la dictée de l'orateur : « On nous menace aujourd'hui « pour avoir obéi aux ordres du peuple ; oui, j'en ai tué vingt, je ne le cache « pas; mais on m'a dit que je faisais bien; vous me l'avez ordonné, et je « réclame votre appui. » Il s'adressait en ce moment à Robespierre, à Billaud-Varcnne, à Marat et à tous les administrateurs. La société se leva en masse et leur jura de les sauver tous ou de périr. Ils le furent en effet. En 1796, l'enquête recommença contre eux. J'étais détenu par mesure de sûreté pour avoir écrit contre les mandats et je me trouvais à la Force, placé à la dette : ce bâtiment était réservé alors pour les prisonniers les plus tranquilles, et qui méritaient certaines considérations. Les septembriseurs y furent mis, non par égard, mais pour n'être pas confondus avec les autres détenus qui les auraient égorgés. Plusieurs gens de métier se désolaient. Un cordonnier de la rue Saint-Victor, qui avait assassiné les prêtres de Saint-Firmin, m'a dit plusieurs fois qu'on les avait enivrés à la ville pour les mettre en œuvre; qu'ils étaient payés 5 francs par jour au minimum. Il m'a montré un bon de la Commune ainsi conçu : « Bon pour 5 francs, payable à la Commune, pour le service du peuple. » 11 m'a dit que ce coupon, ayant été présenté trop tard, était resté dans ses mains. » 1. « Les guichetiers de la Force — écrivait, à la date du 3 frimaire, un des abonnés de Y Ami du Peuple, semptembriscur détenu en cette prison — ne sont pas des cerbères inflexibles pour les muscadins élégans qui leur font de belles révérences. Cette prison est la tour de Danaé; il faut une pluie d'or ou des assignats pour dérouiller les verroux. »


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