Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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ANGE

PITOU

Telle fut cette journée du i3 vendémiaire, sur laquelle il est encore bien malaisé de se faire une o p i n i o n , tant les causes dont elle procéda sont complexes et contradictoires : la Convention sans doute, trouva, p o u r la protéger, des défenseurs que son attitude et son passé ne lui méritaient guère ; d ' a u t r e part, les aventuriers, qui se mêlèrent aux royalistes, les c o m p r o m i r e n t et discréditèrent leurs revendications. Si la lutte n'eût été. entre Français, l'armée seule eût pu réunir toutes les sympathies, mais la tristesse n'est-elle point le sentiment d o m i n a n t dans ces guerres civiles, où il n'y a jamais de v a i n q u e u r , et toujours u n e vaincue, la Patrie, qui en sort affaiblie et d i m i n u é e ? . . . Les conséquences de cette journée du i3 vendémiaire furent considérables ; elle sauva la R é p u b l i q u e , révéla B o n a p a r t e et, par surcroît, jeta le désarroi dans le parti royaliste. A P a r i s , tout espoir de retour à u n autre état de choses était r u i n é p o u r l o n g t e m p s : u n e commission militaire c o n d a m n a i t à m o r t , à la prison ou aux fers, les royalistes convaincus ou soupçonnés d'avoir prêté les m a i n s à cette conspiration ; les journalistes M i c h a u d , La Devèze, R i c h e r - S é r i s y , envoyés devant ce t r i b u n a l , étaient par lui c o n d a m n é s à m o r t ; les demoiselles More de P r é m i l o n étaient arrêtées, ainsi que les abbés Brothicr et Le Maître; et, fait plus grave, la correspondance de ce dernier, qu'il avait eu l ' i m p r u d e n c e de ne pas détruire, saisie, faisait connaître les secrets des opérations de l'intérieur, et compromettait douze cents royalistes. Le comte Geslin, bien que signalé à la police, voulut partir sur-le-champ p o u r prévenir Charette de la t o u r n u r e qu'avaient prise les événements et e m p ê c h e r Monsieur de d é b a r q u e r : une telle précipitation eût achevé de tout p e r d r e ; Ange P i t o u le lui fit c o m p r e n d r e , et Geslin retarda son voyage de quelques jours. Sa mission, au reste, eût été parfaitement superflue, car les Anglais, peu soucieux de s'engager dans u n e aventure aussi c o m p r o m i s e , refusaient de d é b a r q u e r le comte d'Artois, et, 1 17 n o v e m b r e , malgré les instances de Charette, le dirigeaient de force sur Jersey. De son côté, P i c h e g r u , voyant les forces dont disposait la C o n v e n t i o n , l'habilité de B o n a p a r t e , l'éventualité d'obstacles multiples et l'indécision des p r i n c e s , suspendait toutes négociations, et bientôt quittait l'armée p o u r la politique. La partie était p e r d u e , et bien p e r d u e ; c'était la débandade, et il n'y avait plus qu'à se m o n t r e r beau joueur. Ange P i t o u , dans cette occurrence, déploya u n e belle énergie et s'employa à tirer e


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