Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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en plaçant aux mains des émigrés la direction de la politique intérieure royaliste. M. de Tocqueville a dit : « Cette peine de l'exil a cela de cruel qu'elle fait b e a u c o u p souffrir et n'apprend rien. » — « Elle i m m o bilise l'esprit de ceux qui l ' e n d u r e n t , le détient à jamais dans les idées qu'il avait conçues ou dans celles qui avaient cours au moment où il a c o m m e n c é », ajoute M. T h u r e a u - D a n g i n : cette constatation est indéniable. La politique royaliste fut alors u n e suite d'inconséquences, et son orientation prise à r e b o u r s des sentiments du pays. Les émigrés, qui avaient perdu tout sens de la réalité, ne firent état pour a m e n e r cette réaction, qui était dans leurs désirs, que sur les armes étrangères ou l'excès du mal ; la guerre extérieure ayant échoué, ils se rabattirent sur des intrigues, des conspirations Plus ou m o i n s ridicules, tramées par des agents subalternes. Le rôle des agents royaux fut alors très i m p o r t a n t ; ils prirent la place que les journalistes avaient au temps de la captivité de Louis X V I I : leur n o m b r e fut considérable, L o u i s X V I I I en avait à sa solde, le comte d'Artois également, le prince de C o n d é en commissionnait plus de cinq cents, et les fonds anglais en entretenaient u n assez grand n o m b r e . Les u n s furent h o n n ê t e s et sans jugement ; d'autres liés avec la police révolutionnaire autant qu'avec les p r i n c e s ; tous, à g r a n d s frais, entretenaient les illusions des émigrés, ou les c o m p r o m e t t a i e n t ainsi que les royalistcs de l'intérieur : d'ailleurs, nulle direction ne leur était d o n n é e ; ils suivaient leur propre initiative. Dans le n o m b r e il y en eut certainement d'intelligents, de convaincus, et l'on peut s intéresser à ces h o m m e s , que l'émigration mettait ainsi en avant, qu'elle exposait à tous les périls et à la m o r t , sans but ni résultat. Ange P i t o u fut un de ces agents r o y a u x au service de Louis X V I I I . F u t - i l tout d'abord officiellement r e c o n n u par 1 ex-comte de P r o v e n c e , rien n'est m o i n s certain ; il s'improvisa jui-même, très vraisemblablement, fort d u . m a n d a t q u ' e n 1790 ^ avait reçu de la reine, que Charette lui avait r e c o n n u , et q u i , d ailleurs, devait par la suite lui être confirmé par les c o m m i s saires royaux : en tous cas, en cette année 1 7 9 5 , trois fois il fut emprisonné p o u r ses relations avec les Vendéens ' .

1. Ange Pitou. Une vie orageuse, t. III. p. 40.


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