Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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ANGE PITOU

incroyable) ou sa disparition (s'ils furent s i m p l e m e n t habiles) sauva la situation en faisant passer la m o n a r c h i e à l'étranger, et « Deux mois avant le 9 thermidor, dit-il, sur les minuit et demi, je sorte tais du Comité révolutionnaire qui tenait ses séances rue Marat, au cou« vent des Cordeliers. Fatigué de travail, je profite du beau temps et d'un « clair de lune magnifique pour rentrer chez moi par les quais; en arri« vant près de la rue Pavée (aujourd'hui rue Séguier), je vois au milieu du « ruisseau un gros chien en sentinelle : c'était le gardien de Warmée et de « Deltroit, tous deux membres du conseil de la Commune. Au lieu d'aboyer « l'animal vint me caresser, et je trouvai ses maîtres, assis dans l'enfonce« ment sous la porte cochère de la maison habitée par M. Tilliard. Je les « aborde, ils revenaient de la Commune comme moi du Comité. Nous « causâmes jusqu'à deux heures. Je leur demandai où ils allaient. Les « voyant en belle humeur, je leur proposai de venir passer le reste de la « nuit chez moi, ils y consentirent, et le jour nous surprit causant des événe« ments. — « Mais quand finira donc cet ordre de choses, car nous ne pouvons « marcher longtemps comme cela. On nous menace d'une révolution, et je « crois que ce sera la dernière, car il faut enfin que le gouvernement brise « ses entraves. » — « Oui, nous nous attendons à un grand coup, après « lequel nous ne serons plus sur le qui vive. » — « Mais vous êtes à la ville « pour ces deux enfants qui sont au Temple : qu'en fera-t-on ?» — « Oh ! le « petit Louveteau a sa dose (il donna à entendre que c'était un breuvage « mélangé d'opium et de cantharides) et la femelle ne fera jamais de « petits » Je frémis et me contins pour en savoir plus long. —• « Mais les « laisscra-t-on mourir en prison », repris-je? » — « Je ne crois pas, dit l'un « d'eux, il est question de les échanger pour les députés livrés aux Autri« chiens par Dumouriez : on parle même de négocier la paix avec l'Autriche « et la Prusse. » « Le jour que la Convention fit annoncer la mort de Louis XVII, je me trouvais chez Mercier, auteur du Tableau de Paris et député de la Convention. « Que dit-on de la mort du petit Capet », me dcmanda-t-il en entrant? « — « On dit que vous l'avez empoisonné ». — « Cela n'est pas : il faut « désabuser le public. Le petit malheureux s'est épuisé lui-même. » — « Vos comités lui ont aidé ; on parle d'un breuvage, qui lui aurait été admi« nistré à petite dose. » — « Mais les procès-verbaux, dressés par des experts « et en présence de témoins, constatent que les parties nobles étaient saines. « Il est mort de rachitisme. » —« Comment pensez-vous justifier des hommes « qui, dans ce moment de terreur, vous tenaient en prison comme moi? On « n'a pas donné à l'enfant de drogues qui l'aient assassiné sur-le-champ, « puisqu'on voulait en faire un objet d'échange, mais on voulait que le gage « périt entre les mains qui l'auraient reçu. » Mercier garda le silence, il entra « quelqu'un, et je sortis. » La dernière indication qu'on puisse trouver dans les ouvrages d'Ange Pitou à ce sujet, et qui vaille d'être rapportée, a trait au lieu où fut enterré Louis XVII : ce ne serait pas, comme on le croit, au cimetière Sainte-Marguerite; le corps aurait été exhumé de cet endroit « pour ne pas laisser de reliques au fanatisme » (cf. Une vie orageuse, t. I. p. 1 2 7 ; — L'urne des Stuarts. p. 351 ), et définitivement inhumé dans un petit parterre de la première cour de la prison du Temple : les guichetiers du Temple, en 1 8 0 0 , montraient même l'emplacement de cette sépulture.


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