Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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avaient incliné leurs esprits à la conception d'une m o n a r c h i e constitutionnelle, et c'est à cette solution qu'ils menaient leur clientèle et le p u b l i c . P o u r n'effaroucher a u c u n e susceptibilité, ils déclarèrent former « u n e ligue défensive contre la t y r a n n i e Perpétuée par la C o n v e n t i o n » : ce qu'ils p o u r s u i v a i e n t , c'était donc u n e épuration et u n redressement législatifs, et c o m m e Moyens ils ne recouraient pas à la r u s e , à u n ralliement suspect, aux apparences de la résignation, non plus qu'à u n e feinte alliance avec leurs e n n e m i s , ce qui eut été u n e i g n o m i n i e u s e Palinodie, mais bien à la force, à l'énergie de la h a u t e lutte. L ' i m p e r s o n n a l i t é de L o u i s X V I I servait a d m i r a b l e m e n t ces desseins. L'idée d ' u n e régence, confiée à des royalistes c o n s t i t u tionnels, était m ê m e acceptée par des républicains c o m m e Mercier : la seule c o n d i t i o n exigée, c'était que cette r o y a u t é vînt exclusivement d'un m o u v e m e n t intérieur, possible s e u l e m e n t avec le petit prisonnier du T e m p l e . « Le fils de L o u i s XVI — a écrit M. T h u r e a u - D a n g i n qui eut u n e c o m p r é h e n s i o n très exacte de cette situation 1 — pouvait du T e m p l e passer aux Tuileries, sans intervention des étrangers, sans r a m e n e r avec lui a u c u n e n t o u r a g e d'ancien régime : on reprenait l'histoire en T792, n o n en 1788. » La R é p u b l i q u e semblait d o n c fatalement c o n d a m n é e : seule la m ° r t de L o u i s X V I I 2 (si les républicains eurent u n e c h a n c e 1.Thureau-Dangin. Royalistes et républicains. 2- Sur cette mystérieuse question de la survie de Louis XVII, il ne faut Pas attendre de renseignements très décisifs d'Ange Pitou : son témoignage se Produisait, en effet, sous le règne de Louis XVIII, et ce n'eût pas été un m°ycn très heureux, pour obtenir du Roi le remboursement de sa créance, lue d'affirmer l'existence de Louis XVII. Ange Pitou n'a jamais.émis un doute sur la mort du petit Dauphin : pour lui> comme pour les royalistes contemporains, Louis XVII fut empoisonné lentement, à dater de mars 1793, sur l'ordre de la Convention, par une imposition de cantharides et d'opium, semée dans ses aliments, et dont le maléfice aurait été fortifié par le jeûne, les eaux scorbutiques, le froid et 1 humidité du cachot du Temple. A- ce propos il cite l'anecdote suivante (cf. Une vie orageuse, t. I. p. 115) : « En 1793, je fus arrêté sur l'ordre de la section du Théâtre Français, dite alors de Marat; cette section avait dans son sein Marat, Lcgcndrc, Duplain, Canton, Camille Desmoulins, Momoro, le fameux gouverneur de LouisXVII dans la prison du Temple, Simon le cordonnier, et enfin le club des Cor deliers, un bon nombre de Septembriseurs, des Marseillais et des Fédérés, ct ^es membres de la Commune et de l'administration de police. Je connaissais beaucoup de ces hommes influens. Un membre du Comité révout'«nnairc de cette section, placé dans ce poste par les honnêtes gens pour Crvir de phare pendant la nuit révolutionnaire, m'a garanti le fait suivant :


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