L'Univers. Histoire et description de tous les peuples

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GUYANES. l u i , mais Carnot parvint à se sauver. Le lendemain, Boulay de la Meurthe déclara au conseil des anciens que désormais la déportation devait être le grand moyen de salut pour la r é ­ publique : « C'est par l à , d i t - i l , que « nous viendrons à bout de nous dé­ « barrasser des émigrés et des prêtres « qui ne veulent pas du régime de la « liberté. » A la suite de ce r a p p o r t , le conseil des anciens prit plusieurs résolutions, dont la seule qui doive nous occuper ici est celle qui con­ damnait à la déportation plus de soixante c o n s p i r a t e u r s , vrais ou sup­ posés , parmi lesquels on voit figurer le général P i c h e g r u , président du conseil des c i n q - c e n t s , M. de BarbéMarbois , député de la Moselle, le général W i l l o t , Boissy-d'Anglas, Bour­ don de l'Oise, R a m e l , commandant de la garde du directoire, ViennotVaublanc, P a s t o r e t , Siméon , Villaret.Toyeuse, T r o n ç o n - D u c o u d r a y , F o n t a n e s , Madier, Quatremère-de-Quincy, C a r n o t , Barthélémy, Portalis, I m b e r t Colomès, Camille J o r d a n , J o u r d a n des B o u c h e s - d u - R h ô n e , S u a r d , L a H a r p e , etc. Cette réaction est connue, dans nos fastes révolutionnaires, sous le nom de journée du 18 fructidor an Y ( 4 septembre 1797). Plusieurs de ces proscrits échap­ pèrent à la d é p o r t a t i o n , quelques-uns par le crédit de leurs a m i s , les autres par une prompte fuite : de ce nombre turent Boissy-d'Anglas, C a r n o t , P a s ­ toret , Siméon , Vaublanc , Villaret, L a Harpe, etc. Ceux qui ne purent se soustraire à l'arrêt fatal furent con­ duits à Rochefort et jetés à bord de la frégate la Vaillante, qui mit à la voile le 10 n o v e m b r e , se dirigeant vers Cayenne. La traversée dura 48 j o u r s , pendant lesquels les malheureux d é p o r t é s , entassés dans un entrepont f é t i d e , privés d'air et de lumière , n ' a y a n t , pour se n o u r r i r , que des ali­ ments malsains et peu abondants-, con­ tractèrent le germe des maladies qui devaient bientôt les décimer. Enfin , ils abordèrent à C a y e n n e , comme sur une terre promise, heureux d'échapper

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à ce navire m a u d i t , où ils avaient t a n t souffert. E t , en effet, l'accueil qu'ils reçurent d'abord de l'agent de la colonie, J e a n n e t , sembla leur p r o ­ m e t t r e quelque adoucissement à leurs m a u x ; mais cette illusion ne devait pas être de longue durée. Conduits à S i n n a m a r y , ils y trouvèrent les mêmes misères qui avaient assailli la colonie Turgot. Soumis à de rudes travaux sous un ciel d'airain, mal vêtus et mal n o u r r i s , ces infortunés furent r é d u i t s , en peu de j o u r s , à l'état le plus déplorable. Tronçon-Ducoudray, Bourdon de l'Oise, M u r i n a i s , Lavilleh e u r n o i s , Rovère , Brottier et vingt a u t r e s , ne purent résister à l'excès de la misère et du désespoir ; ils mou­ r u r e n t , les yeux t o u r n é s vers l'Eu­ rope , vers la F r a n c e . M a i s , hélas ! nul écho ne porta leur voix m o u r a n t e aux rivages de la p a t r i e , et leur der­ nier cri de détresse s'éteignit dans les solitudes muettes de K o u r o u et de Sinnamary. A l o r s , puisant une nouvelle énergie dans l'excès même de la m i s è r e , huit déportés tentèrent de s'évader. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1 7 9 8 , Piche­ g r u , Barthélémy, Willot, Ramel, D e l a r u e , Dossonville, Aubry et Tellier se jetèrent dans une étroite pi­ r o g u e , o ù , sous la conduite d'un m a ­ telot américain, sans boussole, sans c a r t e s , et à peu près sans provisions, ils luttèrent pendant sept j o u r s et sept nuits contre tous les dangers d'une mer o r a g e u s e , sur une côte bordée de récifs. E n f i n , ils débarquèrent à la Guyane-Hollandaise, dont le gouver­ neur les accueillit avec une extrême bienveillance, leur prodigua les soins de l'hospitalité , et leur fournit les moyens de passer en Angleterre. M. de Barbé-Marbois, demeuré à Sinnamary avec ceux de ses compa­ gnons d'infortune qui avaient échappé à la m o r t , fut compris dans l'arrêté des consuls du 5 nivôse an V I I I , qui permit à un grand nombre de déportés politiques de r e n t r e r en F r a n c e . En 1 8 0 9 , les Hollandais s'empa­ rèrent de la Guyane-Française. L e sort des armes la fit tomber au pou-


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