Les français en Amazonie

Page 203

EN AMAZONIE

203

veston bleu et d'un pantalon de coutil blanc, sans retirer sa cigarette, d'un air bon enfant, loyal et fier: — Ami, ma maison est votre maison, entrez, installez-vous, restez aussi l o n g temps que vous voudrez, c o m m a n d e z et vous serez obéi. D'où venez-vous? O ù allez-vous? Resterez-vous longtemps ici? Q u e m ' i m p o r t e ! Si vous avez des loisirs, et si vous aimez à causer, nous causerons. Toutefois, sachez ceci, je suis un peu causeur peut-être, mais je ne veux pas être indiscret. Voici mes domestiques avec du lait, du café, des gâteaux, des cigares. Celui-ci est attaché à votre personne et vous conduira à votre chambre. Dans deux heures nous dînerons. N o u s vous attendrons, car c'est vous qui présidez la table. Je me retire, p o u r ne pas vous i n c o m m o d e r . C o m m a n d e z , soyez chez vous. La fenêtre donne sur le Campo Grande, la Grande P r a i r i e . Les lignes boisées des rivières zigzaguent la plaine. Sous la conduite de vachers à cheval, le troupeau est ramené à l'enclos. Sous les pas précipités des bêtes, u n nuage de p o u s sière s'élève du sol blanchâtre. Q u e l q u e s cirrus pâles, fixes au-dessus d'un ciel sans air, estompent légèrement la coupole azurée. Les cavaliers se multiplient élégants et agiles dans leur costume de cuir, ils sont sur les ailes, ils sont à l'arrière, pressant les rangs du bataillon et précipitant sa marche. Ils entrent dans l'enclos, essoufflés. La sueur ruisselle du front des vachers et du poitrail des c h e v a u x ; les taureaux mugissent, les veaux pleurent vagissants; vaches et génisses, comme il convient à leur sexe, entrent silencieuses, dociles et disciplinées, avec la timidité dans les yeux. O n va traire. T o u t à l'heure on aura du lait, et dans quelques jours du fromage et du beurre. Vous, les gars ! bons capitaines de prairie, vous savez où trouver à boire le tafia qu'on a si bien gagné, et vous savez aussi où vous attendent la farine de m a n i o c et la viande fraîche ou séchée. E t après, pastoureaux, que les ombres propices de la nuit vous inspirent de joveux ébats. Ce sont là les plaisirs du Campo.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.