Colombie et Guyanes

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L'UNIVERS.

que bientôt, peut-être, elle ne tardera pas à abandonner de nouveau. Les Indiens qui avoisinent Cayenne y viennent souvent dans des pirogues, pour y échanger des oiseaux rares, des perroquets, des fourrures et quelques produits de leur grossière industrie, contre du tafia, des haches, des couteaux et de la verroterie. Le commerce étant le premier élément de la civilisation, il semble que ces commerçants du nouveau monde devraient se ployer bientôt aux usages de l'ancien; niais la vie indépendante est un bien tellement précieux que l'on voit clairement , par leur exemple, combien il est pénible d'y renoncer. A peine leurs opérations sont terminées, qu'ils s'empressent de regagner leurs forêts et d'y reprendre leurs sauvages habitudes, en manifestant le plus profond dédain pour les usages de notre vieille civilisation. Les colons forment ici une classe curieuse à observer. L'ardeur du climat et le zèle des esclaves nègres augmentent singulièrement leur indolence naturelle. Les plus petits détails du ménage seraient pour eux des fatigues intolérables ; un oiseau, une fleur, un singe, peuvent remplir toute la journée des dames du pays. Voyez ce planteur se promener sur sa propriété, vêtu d'étoffes légères, et la tète ombragée du large chapeau-parasol ! (pl. 8, n° 5). Dix esclaves veillent sur ses moindres mouvements. 11 vit au milieu d'eux comme un despote de l'Orient au milieu de son harem ; il est aisé de reconnaître, parmi les plus jeunes femmes de couleur, celles qu'il a daigné distinguer. A peine sorties de la première enfance, elles tombent au pouvoirdu maître,qui leur prodigueles colliers de pierres fines, les anneaux et les bracelets d'or, les robes diaphanes,

les étoffes à couleur éclatante, et tout l'attirail de la coquetterie américaine, Les blancs de Cayenne ont montré une grande humanité à l'époque sinistre de la déportation ; mais il n'est que trop vrai, cependant, que selon le préjugé enraciné parmi les colons des Guyanes, la race esclave veut être traitée avec une grande sévérité. Le fouet qui sillonne les chairs et couvre de zones sanglantes le sein des jeunes filles comme le dos des vieillards ; le croc qui sert à les suspendre à une potence par la peau des hanches et par les côtes , la cangue, les colliers de fer, et vingt autres supplices infligés aux esclaves coupables, sont les affreux moyens que. les colons jugent indispensables à la conservation de leur autorité. (Voy. pl. 8, n° 2 et 9. On a également exagéré les avantages et les inconvénients de la colonisation guyannaise. Il résulte, toutefois , de ces débats, auxquels des hommes de talent, MM. Noyer, Catineau-Laroche, Lescalier et autres, ont pris une part digne d'éloges, que le climat de la Guyane-Française n'est point aussi nuisible aux Européens qu'on l'avait supposé; ils peuvent même, sans inconvénient, s'y livrer, comme les hommes de couleur, aux travaux de l'agriculture. La débauche, l'intempérance, les privations de toute nature, les préjugés des anciens colons, les tâtonnements de I administration , et les vues personnelles de quelques agents de l'autorité, ont été, jusqu'ici, les véritables fléaux qui ont décimé la colonie. Des hommes probes et intelligents y ont pourtant laissé les plus honorables souvenirs: tels sont, entre autres, les La Barre, les Malouet, les Cara Saint-Cyr , les Milius, les Missiessy et les Freycinet.

FIN.


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