Patagonie, Terre-du-feu et archipel des Malouines

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PATAGONIE, TERRE-DU-FEU ET ILES MALOUINES.

gnalent une richesse et des combinaisons remarquables ; nouvelle preuve de ce que plusieurs écrivains ont avancé au sujet des ressources et des nuances infinies des langues américaines en général. L'idiome patagon est beaucoup plus riche en noms de nombre que certaines langues du même continent (*). Les indigènes peuvent compter jusqu'à cent mille. Il "est vrai que. leurs nombres cent et mille leur ont été transmis par les Puelches et les Araucans qui, euxmêmes, les tenaient des Incas; mais cette quantité de désignations numériques n'en atteste pas moins la multiplicité des combinaisons de calcul auxquelles se livrent les Patagons. Gouvernement. Le système politique des Patagons est des plus simples. La nation est gouvernée par un chef supérieur, désigné par le titre de caras-ken , et dont le pouvoir, trèscirconscrit, ne s'exerce qu'en temps de guerre. Il réunit alors tous les chefs subalternes et leur commande. En temps de paix, on a pour Lui beaucoup de respect, mais il n'a aucune espèce de droits personnels, de sorte que s'il ne pourvoit pas à ses besoins , aucun de ses prétendus sujets n'en prend souci. A la guerre même, les avantages de sa position se bornent à une plus forte part du butin. Ce poste, si peu digne d'envie, n'est même pas héréditaire de droit : il faut que le fils , pour succéder à son père, ait fait preuve de courage et d'éloquence ; autrement la place est donnée à un autre, plus intrépide et plus capable. Lois. Point de lois parmi ces peuples ; partant, point de punition pour les coupables. Chacun vit à sa guise, et le plus voleur est le plus estimé comme étant le plus adroit. Ne connaissant pas le partage du territoire entre les membres de leur société, les richesses ne peuvent être (*) On peut citer en exemple la langue des Chiquitos qui n'a pas un seul nom de nombre, quoiqu'elle soit parlée par une des nations les plus puissantes de l'Amérique australe.

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chez eux que mobilières, et l'usage d'anéantir, à la mort de chacun, tout ce qui lui a appartenu dans ce monde, mettant les familles dans la continuelle nécessité de trouver de nouveaux moyens d'existence, il en résulte que la propriété, telle que nous l'entendons , n'existe point parmi les Patagons. Ceci explique à la fois leur opinion sur le vol et le peu de consistance de leur état social. HISTOIRE. Un coup d'œil rapide sur l'histoire des établissements formés par les Européens dans ces contrées reculées , terminera cette notice que nous nous sommes efforcé de rendre aussi complète que possible, eu égard aux limites qui nous étaient tracées. Seize ans après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, Juan Diaz de Solis et Vicente Yanez Pinzon reconnurent l'embouchure de la Plata, et longèrent la côte vers le sud jusqu'au 40e degré de latitude australe. En t520, Magellan hiverna dans le port Saint-Julien, et emmena de force sur son bâtiment un Patagon (*). Ce ne fut qu'en 1578 qu'une autre nation , les Anglais , foula le sol de ce pays, jusque-la exclusivement exploré par les navigateurs espagnols. Le capitaine Drake démentit pour la première fois les contes merveilleux répandus en Europe sur la taille et les habitudes des Patagons ; mais l'erreur devait prévaloir longtemps encore. Pour réhabiliter la fable inventée par ses compatriotes , Sarmiento (Histoire de la conquête des Moluques) représenta encore les habitants de ces contrées comme des géants de trois aunes de haut. Les fantastiques assertions d'Arginsola, historien du voyage de Sarmiento , décidèrent le gouvernement espagnol à tenter un établissement dans un pays où, sur la foi de quelques enthousiastes, on espérait trouver des villes considérables, des édifices magnifiques, et d'immenses richesses. Un assez grand nombre (*) Voy. Pigafetta , qui a écrit la relation de ce voyage.

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