Patagonie, Terre-du-feu et archipel des Malouines

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L'UNIVERS.

zier prenait dans le dix-huitième siècle pour convaincre ses lecteurs de la véracité de ses devanciers et de la sienne, il y a lieu de supposer qu'on n'ajoutait pas une foi explicite à l'existence de ces prétendus géants. Il rappelle qu'au mois de juillet 1704 les gens du Jacques, de Saint-Malo , commandé par le capitaine Harington, virent sept de ces géants dans la baie Grégoire ; que ceux du Saint-Pierre, deMarseille, commandé par Carmon, autre armateur de Saint-Malo, en avaient vu six de neuf à dix pieds de haut. Froger, rédacteur du voyage de M. de Gennes, avait le premier révoqué en doute ces récits merveilleux : « Ce qui l'a trompé, dit Frézier, c'est qu'on a vu dans le détroit de Magellan des Indiens d'une taille qui ne dépassait pas celle des autres hommes. » Il convient, il est vrai, que l'étrangeté du spectacle offert par une population robuste et vigoureuse sur un sol ingrat et sous un ciel inclément a pu occasionner quel» que exagération dans l'évaluation de la taille des individus aperçus ; mais il ajoute que, si l'on veut ne considérer les mesures indiquées que comme approximatives, on trouvera , en définitive, une concordance parfaite entre tous les voyageurs qui en ont parlé; et il se hâte d'invoquer le témoignage d'Antoine Pigafetta, à qui nous devons le journal du voyage de Magellan, et qui assure que dans la baie Saint-Julien les Espagnols virent plusieurs géants si hauts, qu'ils n'atteignaient pas à leur ceinture. Il cite aussi Barthélemy Léonard d'Arginsola, qui, au livre Ier de son Histoire de la conquête des Moluques, dit que le même Magellan vit dans le détroit qui porte son nom, des géants ayant plus de dix de nos pieds; et qui, au livre III, revenant sur le même sujet, prétend que l'équipage des vaisseaux de Sarmiento combattit avec des hommes qui avaient plus de trois varres ou trois mètres de haut. C'est quelque chose qu'une diminution d'un pied sur une première évaluation de cette nature ; aussi Frézier s'empresse-t-il de prendre sa

revanche et de revenir à son taux favori, en s'armant du témoignage de Sébald de Word, d'Olivier de Noort et de celui du Hollandais George Schouten , qui portent à plus de neuf pieds la hauteur de ces colosses. Le premier, pour donner apparemment un plus grand air de vérité à son assertion, prétend que ces Indiens, épouvantés par le feu de la mousqueierie et ne sachant plus comment se garantir de ses effets meurtriers, arrachaient des arbres pour se mettre à couvert. Quant à Schouten, dont le témoignage en qualité de chirurgien ne serait pas à dédaigner, s'il n'avait parfois fait preuve d'une crédulité un peu trop grande, son observation est fondée sur des ossements trouvés sous des tas de pierres qui avaient attiré l'attention des gens de l'équipage du navire à l'ancre dans le port Désiré. Malheureusement ces débris n'étaient que des os d'un mastodonte particulier à l'Amérique. Dom Pernetty, qui a écrit après Frézier, donne du voyage du commodore Byron autour du monde, en 1764 et 1765, un extrait non moins curieux à ce sujet : « Le 22 décembre 1764, dit-il, les Anglais étant dans le détroit de Magellan, à cinq lieues de la Terre-du-Feu, découvrirent de la fumée qui s'élevait de différents endroits sur la côte des Patagons. Ils s'en approchèrent, jetèrent l'ancre à environ un mille de terre, et y virent distinctement des hommes à cheval qui leur faisaient des signes avec leurs mains. En approchant de la côte, des marques sensibles de frayeur se manifestèrent sur le visage de ceux qui y allaient aborder dans le canot, lorsqu'ils aperçurent sur le rivage des hommes d'une grandeur prodigieuse. Le commodore Byron, excité par l'idée de faire une découverte au sujet de ces Patagons dont l'existence était depuis longtemps en Angleterre un sujet de conversation , sauta le premier à terre, et fut suivi par les officiers et les matelots bien armés, et s'y mit en état de défense. Alors les sauvages accoururent à eux, au nombre de deux cents environ, les re-


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