Question des sucres (1843)

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10 s'y oppose. Cette situation ne satisfait personne ; elle est désastreuse pour quelques-uns, et oppressive pour tous. Si vous voulez des colonies, vous ne pouvez pas dire aux colonies qui succombent : « Mourez ; nous ne pouvons rien pour vous. » Si vous voulez que le sucre indigène prospère, et qu'il soit maître du marché, vous ne pouvez pas dire au sucre indigène qui ferme ses fabriques : « Luttez encore, ne vous découragez pas ; une prime de 22 francs vous suffit. » Si vous voulez la richesse, la grandeur, la puissance navale de votre pays, vous ne pouvez pas dire à l'industrie manufacturière et agricole qui demande des débouchés, à la navigation marchande qui sollicite l'emploi de ses vaisseaux, à la marine qui demande des matelots, au trésor qui voit diminuer ses recettes, et qui indique des moyens sûrs pour les accroître, vous ne pouvez pas dire a tous ces grands intérêts qui souffrent et qui murmurent : « Calmez-vous ; ce que vous avez vous suffit; nous n'avons rien de plus à vous donner. » Enfin, si vous voulez la dignité du gouvernement, si vous voulez surtout qu'il ait un caractère national, vous ne pouvez lui imposer plus long-temps cette espèce de neutralité humiliante, où il ne peut recueillir que le mépris et la haine des populations. Vous ne pouvez donc conserver la situation actuelle ; et, c o m m e vous repoussez le projet de loi, il vous faut proposer un système nouveau. Quel sera ce système ? Voulez-vous un système intermédiaire, une pensée de conciliation, de transaction, en un mot ce qu'on a appelé la pondération ou l'équilibre des deux sucres ? D'abord, en réalité, avoir repoussé le statu quo, c'est avoir écarté du m ê m e coup le système de l'équilibre, car la situation présente n'est que l'application funeste de ce système, et la triste révélation de son impuissance. L'équilibre est le système inutilement tenté depuis 1837. Qu'a-t-on voulu, en effet, depuis cette époque ? O n s'est proposé de maintenir dans de justes limites les intérêts existans. O n n'a pas voulu sacrifier le sucre indigène au sucre colonial, ni le sucre colonial au sucre indigène : mais on a voulu faire à chacun sa part dans l'approvisionnement du marché. O n a voulu, en calculant les forces respectives des deux industries, déterminer par des combinaisons de tarifs la portion de chacune d'elles dans la consommation du pays. Qu'est-il arrivé ? Les faits ont démontré que ce système est une chimère. Le développement des deux industries s'est joué de toutes les combinaisons de tarifs. Tous les calculs ont été renversés. C o m m e on l'a dit cent fois, le système de l'équilibre m a n q u e de base. Pour balancer également les deux produits, il faudrait connaître exactement leurs forces ; et pour déterminer ce point, il faudrait connaître exactement le prix de retient, c'est-à-dire le chiffre qui couvre les frais de production. Or, presque tout le m o n d e reconnaît aujourd'hui l'impossibilité de déterminer exactement les prix de revient. Et lors m ê m e qu'on parviendrait à les fixer un jour, les circonstances les plus légères, les moindres variations dans les récoltes ou dans les prix de la


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