Question des sucres (1843)

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44 que le gouvernement ne leur doit rien. N e dites pas non plus que cette grande question des sucres vient aboutir ici à la satisfaction de quelques intérêts privés. Des intérêts privés ! il y en a de tous les côtés dans ce débat ; et c'est peut-être ce qui le rend si passionné et si amer. Telle résolution qu'on prenne, il y aura toujours des intérêts privés qui seront satisfaits et d'autres qui souffriront. L'important est de ne pas se laisser maîtriser par eux, et de ne les considérer jamais qu'à travers l'intérêt général du pays. Assurément, dans le système que nous défendons, nous n'avons pas pour but de faire la fortune de quelques créanciers des colonies et de quelques fabricans indigènes qui attendent l'indemnité c o m m e leur salut : mais si la solution leur profite, c'est parce que l'intérêt général le veut. C'est la seule loi qui nous guide. Nous n'irons pas plus loin dans l'examen de cette question. D e raisonnement en raisonnement, de preuve en preuve, nous avons cherché à démontrer qu'il fallait sortir d'une situation devenue intolérable pour tous les intérêts ; que les systèmes essayés jusqu'ici avaient empiré le mal, au lieu de le guérir ; qu'il fallait un remède énergique; que la suppression de l'une des deux industries était devenue nécessaire ; que le sucre indigène, à côté des souffrances dont il est la cause et qu'il pourrait aggraver encore, était tout au plus en droit d'invoquer en sa faveur quelques services agricoles ; tandis que le sucre exotique, tout en servant aussi l'agriculture par des débouchés est pour l'industrie, pour la marine marchande, pour notre force navale, pour le trésor, pour notre puissance politique enfin, la source d'un accroissement que l'avenir peut rendre immense. U n seul article de loi suffit pour assurer ces bienfaits au pays; et ce remède que nous invoquons, bien qu'on lui trouve une énergie barbare, n'a de violence que dans la forme. OEuvre d'une politique résolue, il est plus modéré au fond que les atermoiemens et les demi-mesures imaginés par une politique indecise. E n m ê m e temps qu'il satisfait les intérêts généraux du pays, il soulage les intérêts privés, m ê m e en les sacrifiant. Seul, au milieu de tous les expédiens dangereux qu'on lui oppose, le projet du gouvernement termine les difficultés en faisant renaître la justice. L a protection accordée au sucre indigène contre les colonies était depuis bien longtemps une violation flagrante des principes : le projet fait cesser cette violation; il rétablit l'équité dans la loi. O n lui dit qu'il sacrifie les colonies au sucre étranger! c'est une accusation gratuite. Les colonies seront régénérées ; leur culture recevra un développement naturel et régulier. Elles n'auront point le monopole, car il serait aussi injuste qu'absurde de leur livrer la consommation de la France. mais tout ce qu'un travail bien entendu peut exiger pour salaire, tout ce qu'une ambition légitime peut réclamer, elles l'obtiendront. O n dit au gouvernement : Mais puisque vous attachez tant de prix à l'admission des sucres étrangers, puisque vous y voyez l'élément futur de la puis-


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