Question des sucres (1843)

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42 et violente. Accueillie avec transport à son début c o m m e l'auxiliaire d'un grand système politique, encouragée par la loi, puis oubliée, l'industrie du sucre de betterave aurait du cesser de vivre au moment m ê m e où sa fécondité malheureuse s'est montrée ; mais on ne peut lui faire un crime d'avoir vécu, d'avoir été persévérante, d'avoir pris au sérieux les encouragemens qu'on lui donnait, d'avoir cru enfin que l'avenir était à elle. C'est l'opinion, c'est le gouvernement, ce sont les chambres qui auraient dû s'apercevoir plus tôt que ce germe fatal devait être étouffé en naissant. Le gouvernement surtout, depuis 1815, aurait dû prévoir le danger. En effet, ou cette industrie léguée par le système impérial n'était qu'un rêve, et alors le gouvernement devait dissiper l'illusion dans l'intérêt de la fortune des citoyens ; ou cette industrie devait acquérir de la forée, et alors le gouvernement, voyant l'avenir, devait trancher le mal dans la racine. Dès que le sucre de betterave a paru, la question a dû être posée dans les conseils du pouvoir. Le gouvernement impérial devait la résoudre c o m m e il l'a fait ; mais le gouvernement représentatif, rentré dans les alliances de l'Europe, désireux de s'agrandir sur les mers, remis en possession de quelques colonies fertiles, aurait dû comprendre son devoir et ses intérêts. A u lieu d'oublier ou d'attendre il aurait dû agir. Eh bien ! parce que le gouvernement représentatif n'a pas agi, parce que l'opinion s'est trompée, parce que les chambres n'ont pas su donner un bon conseil, ferez-vous retomber sur l'industrie indigène la faute de tous? La ferez-vous périr sous l'égalité de l'impôt, sans aucune compensation ; et par une sorte d'ironie ajoutée à la violence, lui direz-vous, quand elle succombe, de faire des progrès si elle ne veut pas mourir ? N o n , cela n'est pas possible; ce serait un scandale public et un déshonneur pour notre temps. L'industrie indigène, fruit d'une erreur commune, peut être sacrifiée à l'intérêt général ; mais tous ceux qui ont commis l'erreur doivent supporter le sacrifice. Si le sucre de betterave est supprimé, le pays, représenté par le trésor, lui doit une indemnité. Ce qui paraît nuire au principe de l'indemnité, c'est qu'il s'est présenté sous de mauvais auspices, en 1840, dans le projet de loi rédigé par le ministère du 12 mai. Dans ce projet, l'indemnité se trouvait jointe à l'égalité d'impôt; on exhaussait la taxe du sucre indigène pour l'écraser, et en m ê m e temps on lui donnait 40 millions. C'était lui fournir les moyens de continuer la lutte avec plus d'acharnement que jamais; c'était, de plus, ouvrir un précédent funeste. Toute industrie lésée par un tarif aurait eu le droit, par la suite, de réclamer une indemnité. C'était, enfin, infirmer le droit des chambres, qui sont souveraines en matière d'impôts. Aussi ce projet a été universellement repoussé. Mais l'indemnité jointe à l'interdiction a un caractère tout différent; elle garantit les droits de l'état, elle le rend propriétaire légitime de l'industrie qu'il achète, elle justifie l'usage qu'il en fera. A u lieu d'être une ressource nouvelle pour recommencer la lutte, c'est un moyen de la ter-


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