Question des sucres (1843)

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6 quelque chose a la place : ici, selon nous, commenceront les embarras, et se dissipera peu à peu cette opposition plus apparente que réelle, plus à craindre par le bruit qu'elle fait que par les raisons qu'elle donne. Si l'on n'oubliait pas si vite en France, et si les questions du jour ne venaient pas sans cesse effacer de notre souvenir les questions de la veille, on pourrait considérer cette question des sucres c o m m e à peu près épuisée. L'opinion que nous allons émettre a été soutenue il y a deux ans par des esprits éminens, par des orateurs illustres. Elle a reçu de nouveaux développemens dans des brochures remarquables. Il est vrai que des documens récens ont répandu une nouvelle lumière sur plusieurs points, et que les évènemens ont fourni des aperçus nouveaux ; mais presque toutes les raisons principales ont été dites, et le mieux à faire est de les reproduire. C'est d'ailleurs une nécessité qui ressort de la discussion. C o m m e les adversaires du projet lui opposent depuis un mois de vieux argumens, on est forcé de reproduire les excellentes réponses qui leur ont été faites. A u x vieilles erreurs il faut opposer les vieilles vérités. Nous prions ceux qui voudront bien nous lire de ne pas s'effrayer de quelques détails aridesqui se rencontreront nécessairement dans cette discussion. Si l'apparence est vulgaire, le fond ne l'est pas. Plus onpénétrera dans ce débat des sucres, plus on verra qu'il contient sous la forme d'un débat mercantile l'une des plus hautes questions que puisse soulever la politique d'un grand état. C'est ainsi d'ailleurs que va le monde. Depuis le x v i siècle l'intérêt commercial domine de plus en plus la destinée des peuples. Les nations se développent, grandissent par l'industrie et les échanges, au lieu de s'aecroitre par les armes. Les questions de douanes, de tarifs, deviennent par là d'un intérêt immense. U n e denrée, source d'échange entre deux climats différens, entre des peuples séparés par les mers, entre des civilisations qui s'ignorent l'une l'autre, devient, par les progrès de l'aisance générale, l'instrument de la richesse et de la grandeur d'un état. D e m a n d e z à l'Angleterre ce que rapporte à ses finances, à sa marine, à sa puissance politique, le seul commerce d u sucre et du coton ; aux Etats-Unis, ce qu'ils gagnent à transporter le coton sur toutes les mers ; à la Hollande, ce que lui vaut seulement le sucre qu'elle retire de sa belle colonie de Java. Tous les jours vous voyez l'Angleterre disséminer sur tous les points du globe, par des négociations ou par la guerre, chacune des denrées qui font sa richesse. N e soyez donc pas surpris que la question de savoir si la France doit récolter son sucre ou l'aller prendre au-delà des mers soit devenue pour elle une. question vitale. Q u e de causes ont paru petites dans l'histoire de ce m o n d e à côté des résultats qu'elles ont produits ! Nous n'aurons pas besoiu de rappeler longuement les phases diverses par lesquelles a passé la question des sucres. O n sait que le sucre de betterave était sous l'empire une curiosité chimique. Encouragé jusqu'en 1814, protégé ensuite contre les sucres exotiques par le silence de la loi, par les perfece


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