Question des sucres (1843)

Page 35

37 Je n'ai pas besoin d'ajouter que dans le système du projet de loi l'inscription maritime s'accroît et laflottese fortifie sans qu'il en coûte rien au trésor : tandis que si l'on sacrifie l'inscription maritime au sucre indigène, c o m m e on sera forcé sans doute de faire des matelots avec de l'argent, on supprimera un revenu en créant une dépense : ce qui est assurément la meilleure manière de se ruiner. Vous gémissez tous les ans sur l'état de nosfinances; vous avez fait d'incroyables efforts, il y a plusieurs années, pour obtenir le remboursement de la rente, qui devait procurer au trésor, pour prix d'une violence et d'une iniquité, une économie douteuse que des h o m m e s sérieux évaluaient à 10 ou 12 millions ! Et quand le sucre indigène vous coûte dès à présent plus de 20 millions par an, sans compter tout ce qu'il vous coûtera par la suite, et les dommages de toutes sortes qu'il peut causer à votre puissance commerciale et maritime, comment hésiteriez-vous à le sacrifier, lorsque surtout ce sacrifice peut être fait sans que l'équité m u r m u r e et sans que la loi soit violée ? Vous ajournez tous les ans des dépenses nécessaires, que vous serez forcés tôt ou tard d'inscrire au budget; où trouverez vous des revenus ? L'impôt direct est surchargé; la propriété foncière paie à elle seule la plus forte partie des frais de ce gouvernement libre qu'elle a autrefois combattu, et qui s'est peut-être un peu trop souvenu de sa résistance. Dans l'état de souffrance où vous l'avez réduite, lui imposerez-vous de nouvelles taxes? la traiterez-vous en ennemie, lorsqu'elle est devenue votre alliée sincère, lorsque son esprit se modifie de jour en jour c o m m e sa nature ; lorsqu'enfin, par son morcellement et sa diffusion, elle se fait aussi mobile et aussi libérale que toutes les industries, que vous protégez tant? Les embarras de finances ont plus d'une fois perdu les états libres. Prenez-y garde : le sucre indigène vous forcerait un jour à des mesures impolitiques dont la sécurité du gouvernement pourrait souffrir : sa suppression vous les évite. Les sucres exotiques vous offrent une source abondante de revenus d'une perception facile, d'un accroissement naturel et régulier : fermerez-vous cette source au trésor, pour lui laisser le déficit que lui apporte le sucre indigène ? Mais on nous arrête encore ici, et l'on nous dit : « Si vous avez une « guerre maritime, toutes ces brillantes espérances s'évanouissent. Le trésor « et le consommateur souffriront. Nous aurons peu de sucre que nous paie« rons fort cher, et peut-être m ê m e nous n'en aurons pas ! » A cette perpétuelle objection de la guerre on ne peut répondre qu'une chose, c'est que ce serait un singulier calcul d'appauvrir le trésor pendant, la paix, parce qu'il peut être appauvri pendant la guerre. Et quant au consommateur, ainsi que l'a dit M . Laplagne, ce serait aussi le calcul le plus étrange de payer le sucre fort cher en temps de paix, de peur qu'il ne devînt plus cher en temps de guerre. Le bon sens ne voudrait-il pas, au contraire, qu'en temps de paix


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.