Question des sucres (1843)

Page 33

35 345,000 pour la navigation de long cours, dite de concurrence, vous n'aurez plus qu'un mouvement d'environ 200,000 tonneaux, qui se ralentirait de plus en plus ; et au lieu de 14 à 15,000 marins, qui seraient l'élite delaflotte, vous n'aurez plus que des recrues plus dangereuses qu'utiles dans un jour de guerre. Voilà donc les avantages immenses que vous offre la suppression du sucre indigène. Vous rentrez dans le pacte colonial. Vous faites un acte de justice. Vous accomplissez en outre une grande mesure commerciale et politique. Vous conservez à la France son marché d'outre-mer, et sa navigation réservée. Vous donnez une impulsion nouvelle à la marine marchande, et par là vous encouragez l'agriculture, l'industrie, le goût des entreprises ; vous ouvrez une voie nouvelle à l'activité du pays. Puis, par le développement de la marine marchande, vous donnez à la marine militaire des bras exercés, des corps aguerris contre les fatigues, des courages éprouvés dans les dangers de la mer. Par l'accroissement de notre puissance navale, vous inaugurez un système nouveau. Vous changez la balance des mers. Vous donnez à la France le rôle que Louis X I V et Colbert avaient créé pour elle! Et tout cela s'évanouit, si vous conservez une industrie qui occupe quelques lieues de terrain dans quatre départemens de la France ! Mais ce n'est pas tout. Cette industrie funeste, qui comprime l'essor de notre marine, c'est aussi la plaie du trésor. O n sait que si elle avait payé l'impôt du sucre colonial, depuis 1828, elle aurait versé au trésor au moins 164 millions. O n sait aussi qu'à moins de prendre des mesures d'une extrême rigueur, il est impossible aufiscd'arrêter la fraude du sucre indigène, et cette fraude atteint déjà près du tiers de la production annuelle. Eh bien ! supposez que le sucre indigène reste maître du marché : pour réparer le vide produit par l'exclusion des sucres exotiques, le trésor élèvera l'impôt : mais aussitôt la fraude, excitée par la prime, augmentera. Plus le trésor voudra peser sur le sucre indigène, plus celui-ci s'efforcera de se soustraire à l'impôt. En outre, tout en ruinant le trésor, il fera une victime de plus, qui sera le consommateur. En effet, à mesure que l'impôt s'élèvera, non seulement le sucre indigène augmentera ses bénéfices frauduleux, mais de plus il augmentera ses prix ; et le surcroît de la taxe, au lieu de frapper l'industrie, frappera indirectement le consommateur. Et qu'on ne dise pas que l'intérêt du consommateur sera défendu par l'état. Si l'état conserve le sucre indigène, il est tenu de lui garantir le marché, et d'exclure par conséquent les sucres étrangers, dont le prix est beaucoup moindre. Or, l'exclusion des sucres étrangers met le consommateur à la merci du sucre indigène. L'industrie ne trouvant plus de contrepoids, forcera les prix de vente; et l'état sera obligé de rester neutre dans cette lutte nouvelle. A u contraire, avec le sucre colonial, tout est changé. D'abord, il ne dérobe rien aufisc.O n sait combien la perception des droits de douane est


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.