Question des sucres (1843)

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34 tonnage est presque toujours supérieur à la quantité du fret qui l'excite. Ceci demande une explication (1). Lorsqu'une denrée abonde sur un point du globe, les navires se font concurrence pour exploiter le transport, autrement dit le fret. Tous ne réussissent pas à faire avec cette denrée un chargement complet, et ils sont forcés d'y joindre d'autres élémens de cargaison. Il en résulte que le mouvement du tonnage produit par cette denrée est plus important que le fret qu'elle occasionne ; et la différence du fret au mouvement de tonnage est évaluée, d'après des tableaux officiels (2), à 20 p. 100. Il suit de là que le mouvement du tonnage produit par un fret de 120,000 tonneaux s'élèverait à 144,000 tonneaux. — Nous sommes déjà bien loin, c o m m e on voit, de 40,000. Maintenant, si à ce chiffre de 144,000 tonneaux on oppose le chiffre du tonnage général de la navigation, qui est de 3,092,000 tonneaux, on pourra dire en effet que ce chiffre est bien peu de chose. Mais ce rapprochement n'est pas sincère. D e quoi s'agit-il ici? Uniquement de savoir dans quelle proportion le fret des sucres étrangers viendra augmenter la navigation au long cours dite de concurrence, c'est-à-dire celle où le pavillon français est en lutte avec les pavillons étrangers. Il faut donc écarter dans ce chiffre du tonnage général, d'abord la part immense des pavillons étrangers, puis la navigation d'Europe et celle de l'Algérie, qui ne constituent pas des voyages au long cours; puis la navigation des colonies, qui échappe à la concurrence. Or, toutes ces déductions faites, notre navigation au long cours, dite de concurrence, se réduit, d'après les documens officiels, à 201,000 tonneaux, c'està-dire qu'elle dépasse seulement d'un peu plus du quart le mouvement de tonnage que produirait l'admission de 60 millions de kilogrammes de sucres étrangers. Quel sera le nombre des marins que produira cette navigation nouvelle? D'après les documens administratifs, 100 tonneaux emploient 6 hommes. Or, 72,000 tonneaux, c'est-à-dire la moitié du chiffre de 144,000 qu'il faut partager, puisqu'il comprend les entrées et les sorties réunies, donneront 4,320 marins, au lieu de 16 ou 1,700. Ajoutons qu'en raisonnant dans l'hypothèse d'une consommation toujours croissante, le chiffre de 60,000 kilogrammes serait bientôt dépassé par les sucres étrangers que rien ne limite, tandis que la production coloniale est nécessairement bornée. Par suite, le mouvement du tonnage et le nombre des matelots augmenteraient dans une proportion très forte, Enfin, à ces calculs basés sur la suppression du sucre indigène, opposez les résultats que ferait naître l'exclusion des sucres exotiques. A u lieu d'un mouvement assuré de 334,000 tonneaux pour la navigation coloniale, et de (1) J'adopte ici des raisonnemens très justes que je trouve dans la brochure de M . Baron, capitaine au long-cours, et rédacleur du Journal du Havre. (2) Voyez, pour tous ces calculs, le tableau général du commerce de la France en 1841.


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