Question des sucres (1843)

Page 24

26 manufacturière y trouve un débouché certain. C'est un point où la concurrence étrangère ne peut l'atteindre ; c'est un refuge pour elle contre des tarifs hostiles. Or, la discussion de 1840 a établi que le chiffre annuel de notre commerce avec nos colonies à sucre s'élevait à environ 130 millions; qu'elles consommaient de 64 à 65 millions de nos produits, et qu'elles étaient, après les États-Unis, l'Angleterre, les états Sardes et la Suisse, notre débouché le plus considérable. Voilà ce que les colonies rapportent à l'industrie et à l'agriculture de la métropole. Dans la situation critique où elles sont, elles assurent à nos produits un débouché privilégié de plus de 60 millions par an. En second lieu, qui profite encore de ce débouché ? Ce sont les ports, c'est la navigation marchande. Tout le monde sait que le transport des marchandises est l'objet de la navigation commerciale, et qu'un grand intérêt de cette navigation est de trouver, sur les points qui reçoivent ses marchandises, ce qu'on appelle des produits d'encombrement, qui lui assurent des cargaisons de retour. C'est ce que l'exposé des motifs du 10 janvier explique très clairement, en disant. Lorsqu'un navire porte nos produits dans les contrées lointaines, le fret, c'est-à dire le prix du transport, doit se répartir sur les deux chargemens daller et de retour. Mais si le navire, manquant de retour, est obligé de revenir sur lest, le coût du fret retombe en entier sur la marchandise exportée, dont il augmente le prix de vente. Or, quelles sont les marchandises d'encombrement qui pourraient faire des cargaisons de retour pour nos navires ? Il y a les houilles, les cotons, il y a les sucres. Les houilles, c'est l'Angleterre qui les fournit, et ce sont les navires anglais qui nous les apportent. La navigation anglaise étant moins coûteuse que la nôtre, et les traités ayant mis son pavillon et le nôtre sur le m ê m e pied, les navires français perdent le transport des houilles. Par des raisous analogues, depuis le traité de 1822 conclu avec les États-Unis, ce sont les navires américains qui nous apportent le coton. Restent les sucres, denrée de poids, d'un placement sûr, matière précieuse d'encombrement. Tous les peuples commerçant regardent le sucre comme un élément puissant de leur activité maritime. Cette denrée qui assure aux armateurs les bénéfices du fret, et qui stimule la navigation marchande, nous la trouvons dans nos colonies, sur un sol qui la produit avec une fécondité rare, et qui ne peut la livrer qu'à nous seuls. Eh bien ! que le sucre des colonies soit repoussé par le sucre indigène, tous les avantages que nous venons d'indiquer sont perdus. C o m m e les colonies nous échapperont ou périront, la France n'aura plus un marché privilégié au delà des mers, et elle perdra sa navigation réservée. Nos navires iront ailleurs ! Oui ; mais comme la betterave donnera du sucre à toute la France, comme le transport des houilles et des cotons ne nous appartient pas, comme enfin notre navigation est la plus coûteuse de toutes, nos navires, privés de chargemens


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.