Question des sucres (1843)

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rurale. C h a q u e cultivateur ferait son sucre chez lui ; et par la diffusion de ces petites fabriques, appelées sucreries ménagères, toute la France devait recueillir, en très peu de temps, les avantages i m m e n s e s de la fabrication d u sucre de betterave. Voilà les promesses. Voici maintenant les résultats. L e sucre de betterave qui, dans un temps d o n n é , devait prendre possession de toutes les terres de France, et supprimer les jachères par l'assolement. quel espace couvre-t-il aujourd'hui ? Les trois quarts des fabriques sont concentrées dans les départemens d u Nord, d u Pas-de-Calais, de l'Aisne et de la S o m m e ; et le département du Nord en contient seul la moitié. Ainsi, au lieu de s'étendre, l'industrie d u sucre de betterave se resserre ; et c'est le m o u v e m e n t qu'elle a constamment suivi depuis 1837. D a n s cette contrée du N o r d , que la nature et nos lois ont tellement favorisée, et où l'activité industrielle est si grande, qu'a fuit le sucre de betterave ? A-t-il fécondé le sol ? A-t-il servi l'agriculture par des assolemens ? Les enquêtes et la notoriété publique ont prouvé le contraire. A u lieu de supprim e r les jachères, l'industrie de la betterave s'est emparée des terres les plus fertiles. A u lieu d'alterner les cultures, elle les a immobilisées en quelque sorte à son profit. D a n s l'enquête de 1836, un producteur, M. Crespel, déclare qu'il a des terres où il s è m e des betteraves depuis quatorze ans ; u n autre dit que ses terres produisent des betteraves depuis dix ans. E n 1840, u n députe, partisan du sucre de betterave, disait : « Autour des usines créées sur u n sol propice s'est concentrée une culture nouvelle, exclusive, mal entendue, qui a voulu forcer les productions que demandait l'intérêt manufacturier (1). » Et cela n'est pas surprenant. L'industrie de la betterave n'existe qu'à grands frais ; des producteurs ont voulu joindre à la fabrication d u sucre l'expérience des assolemens : ils ont été forcés d'y renoncer. Plus la betterave s'éloigne de la fabrique, plus les transports sont dispendieux. L'augmentation des distances entraîne pour le producteur une perte de temps et de travail qui lui retire une partie des bénéfices de la fabrique. Ainsi, jusqu'à présent, au lieu de développer le principe salutaire de la variation des cultures, la betterave l'a violé elle-même dans un intérêt mercantile. N o u s insistons sur ce point, parce que s'il était prouvé qu'en effet l'industrie d u sucre de betterave tend à immobiliser les cultures, l'influence agricole qu'on lui suppose deviendrait bien difficile à démontrer. Continuons. L a betterave a-t-elle favorisé relève des bestiaux ? N o u s lisons dans des d o c u m e n s officiels : « que l'industrie du sucre indigène a diminué « le n o m b r e des bestiaux dans le département d u Nord; que l'on rompt les « pâtures pour y planter des betteraves, au point que l'importation des bes-

(1) M. Marion, Moniteur, 931.


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