Question des sucres (1843)

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16 exorbitant au profit de quelques intérêts privés. D'ailleurs, s'il pacifie le présent, l'avenir seul, et un avenir sans doute éloigné, pourra connaître les autres avantages qu'il peut produire. Reste l'égalisation des deux sucres par voie graduelle ou immédiate. O u c'est la mort violente de l'une ou l'autre industrie, ou bien, si par impossible l'égalité se maintient, c'est la préférence funeste d'un intérêt isolé et secondaire aux grands intérêts de la puissance industrielle, commerciale et maritime de la France De tous ces systèmes, aucun ne satisfait en m ê m e temps l'équité, la raison, la loi et l'intérêt général d u pays. S'il n'y a pas d'autres moyens intermédiaires, si l'esprit de transaction a épuisé toutes ses ressources, vous arrivez donc forcément devant cette question fatale de l'interdiction. Et que cela ne vous étonne pas. Vous suivez la pente irrésistible qui en a entraîné d'autres devant vous. Tous ceux qui adoptent aujourd'hui l'interdiction, non pas dans un intérêt étroit de localité ou d'industrie, mais dans un intérêt politique et national, ont c o m m e n c é par reculer devant elle. O n a reproché à des h o m m e s d'un caractère droit et d'un esprit très ferme, de s'être ralliés à cette opinion, après avoir exprimé des vues différentes : mais loin de repousser ce reproche, ils l'accepteront au contraire c o m m e la preuve d'une hésitation que commandaient les circonstances, et c o m m e un témoignage de la prudence avec laquelle ils ont formé leur conviction. Quand la gravite des faits a dissipe leurs doutes, ils ont pris nettement un parti que leur modération habituelle avait long-temps repousse. Plus on est élevé dans le gouvernement d'un pays, plus on répugne naturellement aux mesures extrêmes. O n ne les adopte qu'après u n examen approfondi, avec la conviction que l'intérêt gênerai les réclame, et avec la résolution bien arrêtée de les défendre énergiquement. Aussi, avant d'être admis dans les conseils de la couronne, le principe de l'interdiction y a été souvent débattu pendant plusieurs années. Considéré c o m m e un m o y e n puissant, mais extrême, il a été ajourné, parce qu'on attendait pour le produire plus de maturité dans l'opinion. E n attendant, on a agi de manière à préparer les esprits. C'est ce qu'indique visiblement la conduite du pouvoir depuis 1837 ; et c'est ce qui ressort des explications données devant les Chambres (1). Cette hésitation que le gouvernement à dû ressentir, l'opinion l'éprouve à son tour. Les faits se chargeront tôt ou tard de déterminer sa conviction. Nous savons bien qu'en 1840 cette grande mesure a eu des adversaires puissans, et parmi eux M . Thiers, dont l'admirable talent a entraîné la chambre. Mais les raisons qui ont prévalu en 1 8 4 0 étaient surtout tirées de ce besoin de temporisation et de prudence que j'indiquais tout a l'heure. Qu'on relise les discours de ce temps ; on verra que des esprits sages recon naissaient la légalité, la justice, l'utilité de la mesure ; niais l'énergie d u m o y e n (1) Voyez la réponse de M. Laplagne au militaire des finances, dans la discussion de

1840.


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