Question des sucres (1843)

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14 à la loi c o m m u n e ? fera-t-on pour des usines, dans l'intérêt de quelques fabricans, ce que la loi a fait, dans l'intérêt del'ordre,de la séeurité publique et de la morale, pour des charges et des offices ? Voyez si vous pouvez réserver le privilége de faire du sucre de betterave c o m m e on a réservé celui de faire des actes et des contrats ; et si, après avoir repoussé la suppression du sucre indigène, c o m m e une atteinte à la liberté de l'industrie, vous pouvez consacrer, au profit exclusif de quelques intérêts privés, un monopole contraire à nos lois et à nos m œ u r s ! Il se présente encore d'autres moyens intermédiaires. O n a parlé de l'égalisation graduelle ou immédiate de l'impôt des deux sucres. L'égalisation graduelle n'est pas le système de l'équilibre. Par l'égalisation graduelle, on veut arriver progressivement à l'égalité d'impôt pour les deux sucres, tandis que dans le système de l'équilibre on se propose d'élever ou d'abaisser les tarifs au niveau des forces de chaque industrie, et de régler leurs m o u v e m e n s de manière à ce qu'elles se développent ensemble sans s'étouffer. D'un autre côté, l'égalisation graduelle diffère de l'égalisation immédiate en ce qu'elle renferme une pensée de ménagement temporaire pour le sucre de betterave. O n veut qu'il arrive à l'égalité de droit, mais avec des forces suffisantes pour la soutenir. A u contraire, l'égalisation immédiate, dans les circonstances actuelles, peut passer pour une suppression déguisée. Élever l'impôt du sucre indigène, quand'il supporte à peine celui qu'il paie, c'est décréter en quelque sorte le progrès d'une industrie, ou la tuer par une perfidie. Mais admettons pour le m o m e n t qu'on soit sincère dans les deux systèmes, et qu'on ne cherche dans leur application qu'une communauté de charges et de bénéfices entre les deux sucres. O n veut l'égalité d'impôt, soit dans le présent, soit dans l'avenir; quelles seront les conséquences de ce principe ? D'abord, l'égalité d'impôt n'est pas l'égalité réelle des deux sucres devant la loi. Elle laisse subsister entre eux des différences profondes qui tiennent à la nature des climats, aux frais de production, à la distance des lieux, aux conditions particulières où se trouve chaque industrie. Il y a un système qui voudrait en effet l'égalité réelle, et qui la cherche en vain ; c'est celui de l'équilibre absolu : mais l'égalité d'impôt ne peut produire qu'une égalité nominale. Si donc on croit qu'une équité rigoureuse est la base de ce système, on est dupe d'un mot ; mais passons outre, et voyons ce que ce système produira. O u l'égalité, du jour où elle sera prononcée, tuera le sucre indigène, ou elle ne le tuera pas. Si elle le tue, on aura fait précisément le contraire de ce que l'on voulait. A u lieu d'établir un partage, une vie c o m m u n e entre les deux sucres, on aura impitoyablement sacrifié l'un à l'autre. Ce sera une iniquité, u n scandale public, une source de troubles. O u bien les grandes usines d u sucre indigène, secondées par des capitaux puissans, par l'esprit


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