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Relation du voyage
pour avoir plus de facilité dans le Commerce. Incontinent que nous eufmes moüillé, je fus à terre , & n'oubliay pas la bouteille d'eau de vie, & l'ayant fait voir en defcendant, je fus fort careffé de ces gens la, qui me fi rent connoiftre que nous eftions les bien - venus, mais qu'ils ne pouvoient nous rien promettre fans ordre de leur Roy, & ayant appris d'eux que fa demeure n'eftoit qu'a deux lieuës, je me rembarquay dans ma chalouppe pour l'aller trouver : je fus fuivy de force Noirs qui fe mirent dans leurs canots , j'en pris deux ou trois des plus coufiderables avec moy : pendant ces deux lieuës je vis pour le moins cent de ces canots qui defcendoient au village , les Negres y portant leurs Marchandifes. Eftant arrivé à la Ville qui eft fituée dans le plus bel afpect du monde, fur une éminence au bord de la riviere, qui eft dans c é t endroit beaucoup plus large qu'ailleurs, à caufe d'une autre riviere qui vient fe rendre dans celle-là ; Il eft vray que la ville ne correfpond pas à la beauté du lieu , les maifons n'eftant bafties que de terre, & blan chies de chaux, leur forme eft toute ronde , la hauteur en eft de douze pieds : mais c o m m e toutes les autres que nous avions veués n'eftoient que de rofeaux, celles-cy nous parurent avoir quelque chofe de particulier , & leur clofture eft a u f f ide terre, les autres n'eftoient que de fimples clayes. Defcendant de la chalouppe, je rencontray force Noirs, que la curiofité avoit amenez : je leur demanday où eftoit le R o y , un chacun s'empreffa de me conduire , fur tout voyant qu'un matelot qui m e fuiuoit portoit deux bouteil les, à qui j'avois ordonné de les faire voir en arrivant. Eftant entré, je rencontray le Roy fous une efpece de halle qui eft ellevée de trois pieds de terre, couverte c o m m e nos moulins de fucre à boeufs, c'eft l'endroit o ù il reçoit les plaintes de fes fujets, & où il leur rend juftice; J e le trouvay en ce lieu affis tout nud deffus une natte avec fes Princes qui eftoient auffi affis autour de luy : ils me receurent en cét eftat. Le R o y m'ayant donné la main pour m o n t e r , me fit feoir aupres de luy fur fa natte, où je pris