Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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Relation de la Guiane.

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haches, nos coûteaux, & nos ferpes qu'ils n'en faifoient en un mois avec leurs outils de pierre, qui ne fervent plus de rien aujourd'huy qu'à faire admirer leur patience dans les cabi­ nets des curieux. Ils parlent une Langue qui eft entenduë, non feulement de toutes les nations, que les Efpagnols d'un cofté , & les Portugais de l'autre ont obligées de fe retirer dans la Guiane ; mais elle eft intelligible mefme des Caraïbes qui s'en fervent, & qui font les naturels des Antilles : ce que j'ay re­ connu avec les Indiens des Ifles de S. Vincent, de la Domi­ nique , & des autres où j'ay eu occafion de les entretenir. Enfin cette langue s étend & fe parle en plus de 4 0 0 . lieuës de cofte, & a plus de fix vingt lieuës avant dans les terres. Ils nourriffent de toutes fortes de Volailles domeftiques, qu'ils nous apportent pour des babioles qu'on leur donne, auffi bien que le poiffon, & le Gibier qui y eft en tres-grande abondance tant dans les Rivieres qu'à la mer. Ils nous bâtiffent des maifons, ils défrichent nos terres, ils portent nos lettres, ils fervent à embarquer & débarquer les Marchandifes, & il n'eft prefque point de fervice qu'on n'en puiffe tirer par la douceur, & les bagatelles qui leur font propres. Ils entreprennent de charger des navires entiers de Lamentin aux mefmes conditions, qui eft un poiffon dont le tranfport dans les Ifles eft d'un débit prompt & affuré, & qui ne fera pas moins confiderable dans la terre ferme , atten­ du que c'eft une Manne feure pour la fubfiftence des Colo­ nies qui s'y établiront. Cette pêche fe fait toute l'année dans les Rivieres de cet­ te cofte, à la difference de la Tortue de mer qui ne territ que pendant trois ou quatre mois de l'année feulement, & dans toutes les Plages de la cofte; mais en une abondan­ ce fi grande que cela n'eft pas imaginable, dix hommes en pouvant plus retourner en une nuit, que cent n'en fçauroient habiller en un jour. • Chacun fça t que ces deux fortes de poiffon fe falent, & fe tranfportent dans les Ifles avec tant de profit, qu'on y trouveroit tres-bien fon compte, quand on n'établiroit dans la terre ferme des Colonies que pour ce fujet-là feulement. Entre les Plantes qu'ils cultivent dans leurs jardins, le cot-

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