Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

Page 133

34

Relation de l'Origine, des Mœurs, &c.

neur facrifié a amaffé, en les jettant de tous coftez, qu'un chacun recueille avec preffe ; pour les deux qu'il avoit fous fes pieds durant ce facrifice, il les doit manger, & de ce no­ ble fang qui eft tombé deffus on en frotte le vifage de l'en­ fant, eftimant que cela fert beaucoup à le rendre genereux, & d'autant plus que le pere a témoigné de patience, plus l'en­ fant aura de courage. Cette ceremonie achevée on le remet à fon lit où il demeure encore quelques jours. Ce n'eft pas tout, l'efpace de fix mois il faut qu'ils s'abftien­ nent non feulement au premier n é , mais toutes les fois que leurs femmes ont des enfans, de manger de plufieurs fortes d'animaux, crainte qu'ils ne participent à leurs qualitez ou défauts naturels : Par exemple fi le pere mangeoit de la tortue, l'enfant feroit lourd & n'auroit point de cervelle ; fi du Per­ roquet, le nez de mefme; fi du Crabier de longues jambes, fi du Lamentin des petits yeux, & generalement de toute au­ tre viande, hors des Crabes, ce long jeufne ne fe fait qu'à la naiffance du premier, & pour les autres, il n'y a que quatre ou cinq jours de diette. Les femmes ont grand foin de leurs enfans, elles les por­ tent par tout fous leurs bras, ou dans un petit lit de coton qu'elles mettent en écharpe, elles ne les emmaillottent ja­ mais , & lorsqu'ils font un peu robuftes par le lait de la mammelle, elles mafchent des patates, des bananes ou autres fruits, dont elles les empaftent pour nourriture. J'ay déja parlé de leur Baptefme ou impofition de nom : ils font fort fujets à manger de la terre, à caufe je croy de leur humeur melancholique, j'en ay veu mefme des grands manger de la craye avec autant de fatisfaction que du fucre. Quand les enfans ont quatre ou cinq ans, les garçons fuivent le pere, & mangent avec luy , & les filles avec la mere, ils font élevez tant de l'un que de l'autre en vrayes brutes, ils ne leur appennent ny civilité ny honneur, non pas mefme à dire bon jour, bon foir, ou remercier, ils les mal-traitent fans en eftre corrigez, ce qui les éleve dans un étrange libertinage: toute leur fcience quand ils font grands eft de tirer de l'arc, nager, pefcher, & faire des petits paniers, & les filles des lits de coton : Si un homme eft bleffé ou malade, il man­ dera à fon frere, ou à fa fceur ou à quelque parent, qu'il fe


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.