Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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Caraïbes.

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d'avoir une ferpe, ou un coûteau, & que n'en ayant pas, vous leur vouliez donner dix fois plus en d'autres marchandifes, ils prefereront la ferpe, & le couteau; ils n'ont aucune défian­ ce les uns des autres , & lors qu'ils vont en voyage ils laiffent leurs petits ménages, & leurs Cafes à l'abandon. Nous mangeons les fruits, & les Caraïbes les boivent,tant ils aiment à boire : ils difent boire un Giraumon, un Melon, boire des figues banannes, boire des pommes d'Acajou, des Prunes de Monbain, Dicacou, des Cachimans, des Mamins, des Patates , des Ananas , des Cocos , raifins, Goiaves, & mille autres fortes de fruits. Ils boivent auffi les cannes de lucre ; enfin , ils boivent plus qu'ils ne m a n g e n t , mefm e les fruits les plus fecs, où il n'y a aucune liqueur , c o m m e le Courbaly : Quand ils m a n g e n t , ils portent le m o r ­ ceau au cofté de la bouche, & lors qu'ils boivent, ils baiffent la tefte au lieu de la lever , ils rottent, pettent, piffent en mangeant, fans aucune honte : ils s'accroupiffent c o m m e les femmes pour uriner, & couvrent leur ordure c o m m e les chats avec le pied. Ils boivent tous dans un mefme C o ü y , & les fiévreux, & les Pianiftres, qui font c o m m e les verollez ; ils nomment cette maladie Yaia ; ils ne s'eftonnent point de voir des ordures dans leur manger; ils n'ont rien de bon, & de propre que la Caffave qui eft le pain du païs fait de racines de Manioc , dont l'eau qui en fort eft poifon, blan­ che c o m m e du lait,& de mefme confiftance. Ils n'ont qu'une forte de faulce qui e f tle T a u m a l y , leur plus grand ragouft fè de Crabes, & du Piman, qui eft plus fort que le poivre d'Orient : ils ne fe fervent jamais de fel,quoy qu'ils ayent des falines, ils le croient contraire à la fanté ; mais au lieu de fel, ils pimentent fi fort ce qu'ils mangent qu'il n'y a qu'eux qui en peuvent goufter : ils ne mangent point de c h a i r , fi ce n'eft quelques oyfeaux qu'ils jettent dans le feu fans les vuider, apres ils les boucannent: ils ne prennent pas non plus la peine d'éventrer le poiffon pour le cuire; ils mangent les œufs c o u v e z , les hommes mangent dans le grand Carbet, & les femmes dans la Cafe , ils s'affeoient fur leur derriere, c o m ­ me les ftnges au tour du Coüy, & du plat. Coùy eft le hanap dans quoy ils boivent, qui eft fait d'une piece de Calebaffe, c iij

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