Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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des

Caraïbes.

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bleffeures c o m m e de ffeches, & de boutou, de couteau, il ne faut dire m o t dans cette affemblée diabolique : il ne faut faire aucun bruit, non pas mefme du derriere, autrement le Zemeen s'enfuit. J e m'eftois imaginé les ayant une fois furpris que le Piaye mefme contrefaifoir fa v o i x , & qu'il ne frappoit fouvent que des pieds en terre, que pour faire croi­ re aux autres qu'il s'en alloit la haut querir le Zeméen. U n de ces Boyés depuis m'a avoué que pour luy veritable­ ment il ne bougeoit de la C a f e , mais que c'eftoit le diable qui répondoit. J e m'étonne neanmoins c o m m e les Caraï­ bes ont la penfée que le Piaye va la haut, & qu'il ne revient qu'apres que ce Zeméen eft retourné , il faut affeurément que le diable trompe, & le malade,& le medecin. Ils prefentent dans leurs Cafes fans aucune ceremonie au Zeméen ,& au Piaye pour la peine de l'avoir évoqué, du O ü i c o u , & quelques Caffaves fur un matoutou , c o m m e il eft marqué par la fixiéme figure. Le matoutou efl: une petite table d'aroma ou d'ofier d'un pied ou deux en quarré & d'un demi de haut, le laiffant là toute la nuit, & quoy que le lendemain ils le trouvent de mefme qu'ils l'y ont mis, ils le perfuadent que le Zeméen s'en eft repeu , mais qu'il n'a beu & mangé que l'efprit : de mefme s'ils luy offrent une ferpe ou une h a c h e , le Piaye s'en empare & leur fait croire que le Zeméen en a pris pour fa part l'efprit & le cœur. Ils reverent tant ces offrandes profanes qu'ils nomment Alakri, qu'il n'y a que les vieillards , & les plus confiderables d'entr'eux qui en ofent goûter. Ils m'ont quelquesfois prié d'en boire, je l'ay fait pour les defabufer des fuperftitieufes fottifes de ce facrifice, dont l'une eft de boire de ce Oüicou à jeun, qu'autrement l'on creveroit, & exprés je mangeois pre­ mier que d'en boire : l'autre eft,de prendre garde à tenir la taff e , o u Coùy droit, & ne pas verfer, ou que le col deviendroit tortu , & les yeux pleureroient fans celle : exprés j'en laiffois cheoir ,& tenois le Coüy de travers. Si le malade guerit, & revient en fanté, ils font un fellin au Mapoia, à quoy le Piaye ne manque point. A la fin de ce ban­ quet ils noirciffent le convalefcent avec des pommes de Junipa, & le font auffi beau que le Diable. Ils offrent auffi aux Zeméens les premices de leurs jardins, & с


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