Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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Hiftoire

cher que leur peau toute nuë, ils fe joignent & s'accrochent par le milieu du corps, & s'embraffant l'un l'autre, ils fe font tomber dou­ cement à la renverfe fur le dos. En cette maniere-là, il y en a deux ou trois couples qui luitent enfemble à mefme temps, pendant une heure, en la prefence des femmes qui les regardent faire, car lorlquc les hommes commen­ cent à luiter, les femmes quittent la danfe,& viennent prendre leur part de ce divertiffement. Lorlquc quelqu'un d'entr'eux vient à mourir, ils creufent une foffe,& ils l'enterrent le foir, en frapant des mains, les ferrant& de leurs plaintes. C e Peuple-là eft naturellement craintif& timide,& par confequent fanguinaire& cruel lorfqu'il a de l'avantage. Si quelqu'un vient à commettre une faute, il le faut chaftiér tout à l'heure, mais il ne le faut pas menacer, car fi on le fait, c'eft une choie affeurée qu'il s'en ira fe pendre pour éviter le chaftiment. Je ne fçay pas quelles font leurs opinions en matiere de Reli­ gion , mais il eft certain qu'ils ne font pas entierement de la fecte des Saducéens, car ils croyent la Refurrection & qu'apres leur m o r t ils s'en retourneront en leur Païs, & qu'ils s'y rajeuniront; de forte qu'ayant cette opinion dans l'efprit, cela leur eft ordi­ naire de s'aller pendre, lorfqu'ils ont apprehenfion de quelque grand mal-heur, ou d'eftre menacez de leurs Maiftres. Mais le Colonel Walrond ayant perdu trois ou quatre de fes meilleurs Negres par ce moyen-là, & en fort peu de temps, fit trencher la telle à l'un d'entr'eux, & la fit mettre fur un Pieu de douze pieds de haut, apres quoy il fit venir tous fes Negres, & les fit marcher tout autour de cette tefte, leur commandant de la regarder,& voir fi c'eftoit bien la tefte de celuy qui s'eftoit pendu? ce qu'ayant reconnu, il leur dit qu'ils effoient dans une grande erreur de croire qu'ils s'en retourneroient en leur Païs, apres qu'ils feroient morts, car ils voyoient bien que la tefte de cet homme eftoit là, comme ils en eftoient tous témoins, & comment fe pouvoit-il faire que le corps peuft aller fans tefte ; de maniere qu'ayant efté convaincus par ce trifle, mais neantmoins apparent fpectacle, ils changerent d'opinion, & apres cela il n'y en eut plus aucun qui fe vouluft aller pendre. Lors qu'ils font malades, il y a deux remedes qui les gueriffent, dont l'un fert pour le dehors, & l'autre pour le dedans; celuy


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