Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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de l'Ifle des Barbades.

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qu'à environ fix-vingt pas, fans qu'il y ait aucune inégalité de terres entre-deux ; de maniere que l'on y décharge toutes les raretez qu'on apporte dans l'Ifle de toutes les autres parties du m o n d e , & on les y garde en des Celliers, où en deux heures de temps elles font déchar­ gées& mifes à couvert pendant la nuit. Ces denrées-là font des Vins de toutes fortes, de l'Huile, des Oli­ ves, des Capes, de l'Efturgeon, des Langues de Bœuf, des Anchois, du Caviar, des Boutargues, & toutes fortes de Viandes falées pour fa famille, tant Chair que Poiffon, c o m m e du Bœuf, du P o r c , des Pois d'Angleterre, des Moruës vertes& feches, du Merlus, & du Bœuf feché au Soleil, qui vient de l'Ifle Efpagnole, où il fait auffi chaud qu'aux Barbades, o ù on le coupe par tranches, & on le fait fecher au Soleil, fans y mettre de fel ; il fe garde autant ou mieux que celuy qu'on fale de par d e ç à ,& eft auffi fec que celuy de Stockfifch, car il eft tel à l'égard de la Viande, que celuy-cy eft à l'égard du Poiffon, n'eftant pas plus nourriffant ; mais quoy que c'en foit, il fert à remplir le ventre,& l'on en mange par faute de meilleur aliment. Quoy que l'on puiffe tranfporter une partie de ces chofes-là bien conditionnées, dans les habitations qui font dans les terres, l'on n'y fçauroit pourtant pas porter les Vins,& les conferver en leur bonté» parce que les chemins font fi difficiles, qu'il n'y a point de Charrettes qui y puiffent paffer. Il eft auffi difficile de faire tranf­ porter dans une nuit fur le dos des Negres un poinçon de Vin d'Efpagne, ou une barrique de quelqu'autre Vin que ce foit, tant il faut de temps à le tranfporter de main en main d'un endroit en l'autre,& l'échauffe & le fait tourner ; de forte qu'il perd beaucoup de la pu­ reté de fon gouft& de fon efprit; Et fi on le tire en des bou­ teilles au Pont, les efprits s'enfuyent en le tirant,& on trouve une grande difference dans le gouft& la pointe qu'il doit avoir. L'huile fouffre mieux le tranfport que le V i n , mais la trop gran­ de chaleur diminuë beaucoup de la pureré& du gouft qu'elle a na­ turellement ; & quant aux Olives l'on fçait que dans le tranfport c o m m e elles font fecoüées, elles fe rompent les unes contre les autres,& quand il y en a de r o m p u ë s , elles pourriffent & infectent apres toutes les autres. De forte que le Vin, l'Huile& les Olives ne fçauroient eftre que difficilement tranfportées dans les habitations qui font à huit ou dix milles du pont, qui eft le lieu o ù l'on va querir toutes ces denrées-là,

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