Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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de l'Ifle des Barbades.

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o u une piece de toile pour la faire fecher au S o l e i l , apres q u o y elle eft propre à faire du pain. C e l a fait l'on a une piece de fer, que j'eftime eftre jettée o u •coulée en figure ronde, dont le diamettre eft d'environ v i n g t poulces, & un peu enfoncée au m i l i e u , & à peu prés femblable à la Meule fur laquelle les faifeurs de Lunettes font tailler & p o ­ lir leurs Verres, mais non pas tout à fait fi concave que celle-là, d'un demy poulce d'efpaïs autour du b o r d , mais un peu plus efpaiffe vers le milieu, ayant trois pieds c o m m e une M a r m i t e , d'en­ viron fix poulces de haut, afin de pouvoir faire du feu au defibus. L'on fait chauffer cette Platine en forte qu'elle puiffe cuire & n o n pas brûler , & lors qu'elle eft chaude, les Indiens qui ont la charge de faire ce pain, parce qu'ils l'entendent mieux que les a u t r e s , jettent la farine fur la Platine, autant qu'il en peut tenir en fa largeur, & l'applatiffent avec les m a i n s , enfuite dequoy elle s'at­ tache toute enfemble, & lors qu'ils croyent que ce cofté-là eft affés c u i t , ils ont un inftrument fait c o m m e une Palette, avec quoy ils tournent l'autre cofté, & puis la tournent & retournent tant de fois, qu'ils voyent que c'eft affés, ce qui eft bien-toft fait; apres quoy ils pofent cette galette fur une table, puis ils recom­ mencent à en faire d'autres e n c o r e , jufqu'à ce qu'il y en ait ailes pour toute la famille. Lors que nous y arrivâmes ils faifoient ce pain auffi efpaïs que des bignets, mais enfuite eftant devenus plus curieux & plus de­ licats , ils le firent auffi mince que des o u b l i e s , & neantmoins tres-blanc & crefpu, c o m m e une gaufre o u une oublie n o u ­ vellement faite. Ils n'y mettent jamais de fel, dont je m'eftonne, parce que ce pain eftant de foy infipide & fans gouft, cela luy donneroit un peu plus de faveur, mais la meilleure maniere de l'apprefter fe fait avec du laict, qui luy donne le gouft des A m a n d e s . Ils en veulent faire de la croufte de Pafté , mais il y en a peu qui la fçachent faire, car c o m m e on la pétrit avec les mains, on qu'on la roule avec un r o u l e a u , elle fe crevaffe & fe fend t o û j o u r s , de forte qu'on ne la peut accommoder en forte q u e l l e puiffe te­ nir aucune liqueur, foit qu'on y mette du beurre o u des oeufs, foit qu'on n'y en mette point. Mais enfin apres l'avoir effayé & manqué quantité de f o i s , j'en appris le fecret d'une femme Indienne, qui me montra le vray 9

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