Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

Page 23

de l'Ifle des Barbades. 15 plus riche perfpective & un plus bel afpect par la diverfité de leurs couleurs, mais nous n'y trouvafmes rien ou fort peu de chofe qui fuft plus agreable, à la referve des Arbres de Cocos, & la cime faifant une ombre proportionnée à leur hauteur , fur leurs racines, entretenoit leur verdure, & les rendoit extréme­ ment agreables à la veuë. C o m m e c'eftoit le temps du T u r n a d o , qui eft lors que le So­ leil retourne du Tropique de Cancer, vers celuy du Capricorne, pour vifiter& rafraîchir les Parties Meridionales du monde, & vient au Zenith des habitans de ces parties-là, qui eft au com­ mencement d'Aouft, qu'alors les pluyes tombent en abondance, & nous y vifmes bien-toft un grand changementr Car y ayant demeuré dix-neuf ou vingt jours, pendant lefquels il pleut prefque toujours , nous vifmes que les Vallées changeoient d'habits,& qu'elles eftoient fi fraîches,& fi rem­ plies de prairies verdoyantes, enchaifnées de diverfes fortes de fleurs, les unes croiffans fur des tiges, les autres fur des arbres, avec une fi grande varieté de couleurs, fi belles& fi vives, qu'il fembloit que la nature euft choifi ce lieu-là tout exprés pour y faire voir le chef-d'œuvre de fes ouvrages. D e forte qu'ayant regalé nos yeux de ces delicieux objets, nous euffions bien voulu éprouver fi leur odeur eftoit auffi agrea­ ble, que leur beauté eftoit admirable , & pour cet effet nous fouhaitions auffi de pouvoir defcendre à terre, mais nous fufmes confeillez d'attendre encor un peu jufqu'à ce que nous fuffions plus affeurez de noftre Portugais Bernardo. Cette demeure nous donna lieu de faire la reveuë du Havre ou de la Baye, qu'ils appellent la Praye, qui a environ une lieuë de large d'une terre à l'autre,& un peu plus depuis une des poinctes de la terre jufques au fond de la Baye , où en entrant on laiffe une petite Ifle à Basbord. Cette Baye eft fituée au deffous du vent de l'Ifle, ce qui faifoit que nous endurâmes une chaleur fi grande & fi infupportab l e , qu'à peine pourroit-on croire que des corps venans des climats froids peuffent fouffrir une telle ardeur fans en eftre fuffoquez. J'avois deux morceaux de cire à cacheter dans une caffette, qui eftoit dans le fond du Vaiffeau, qui fe fondirent & s'at-


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.