Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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Hiftoire

nous remettre en Mer pour huit ou dix jours, & retourner de n u i t , le temps eftant obfcur & propre à noftre deffein, afin de furprendre la maifon du Padre avec cinquante Moufquetaires, q u ' o n pouvoit faire aifément tant des gens de qualité que des paffagers qui eftoient dans noftre N a v i r e , avec une partie des Matelots, & enlever le Padre V a g a d o ,& Bernardo Mendez de Soufa , & les amener aux Barbades. Mais le Padre qui ne fçavoit rien du deffein de Bernardo , nous envoya complimenter fort civilement, s'invitant luy-mefm e de venir à bord de noftre Navire , aprés qu'on luy auroit donné des oftages, de forte qu'ayant traité avec l u y , l'on eftablit le C o m m e r c e entre les uns & les autres, & l'on relafcha nos prifonniers ; enfuite dequoy il nous invita auffi d'aller en fa maifon , où pluftoft en fon Rocher , car la plufpart en eftoit baftie dans le R o c , & fur un fort haut precipice. La malice de ce Portugais, m'a obligé de faire cette digreff i o n , fes geftes, & la maniere avec laquelle il agiffoit devant q u e nous abordaffions l'Ifle, m e donnerent fujet d'en tirer un mauvais prefage, & fa conduite en ce lieu-là juftifia enfuite la verité de ma conjecture, & de ce que j'en avois dit à nos gens auparavant. Lorfque nous approchâmes à la veuë de cette Ifle, elle nous parut pleine de hauts & droits R o c h e r s , dont le plus haut eftoit de pierre pure fans qu'il y euft aucune terre, & ces Rochers eftoient d'une telle hauteur, que peu fouvent o n en voyoit le fommet lorfque nous y eftions, à caufe des broüillards & des nuages qui eftoient entre-deux, qui s'élevent & obfcurciffent l'air au temps du Turnado; mais le premier jour que nous les v i f m e s , c o m m e le temps efloit fort ferein ce jour-là , & en eftans à une diftance raifonnable, nous les voyions parfaite­ ment bien. Quant à ceux de la feconde hauteur, ils ne nous paroiffoient pas fi blancs, mais d'une couleur grifaftre, c o m m e s'ils euffent efté couverts d'une terre legere & fablonneufe, mais les moins hauts reffembloient pluftoft à des Montagnes qu'à des R o ­ chers ; & encor fi arides, que nous eftions encor en doute fi l'on y avoit jamais veu croiftre de l'herbe. Mais lorfque nous fufmes à une diftance propre à pouvoir par­ faitement difcerner les couleurs, nous efperions que les Vallées à mefure qu'elles s'ouvriroient à n o u s , nous donneroient une


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