Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

Page 214

190

Hiftoire

une chofe heureufe le paffer le refte de leur vie en paix & en re­ pos dans leur païs. Et je croy qu'il y en a peu d'entr'eux, à moins que d'éftre emportez par le lucre & par l'avarice, qui ne fuffent bien aifes de vendre à bon marché & de pouvoir s'eftablir pai­ fiblement en Angleterre. Outre les rifques que j'ay nommées, il y en a encor une autre qui eft de plus d'importance que toutes les autres, qui eft leur fanté, qu'on doit eftimer pardeffus toutes chofes; car les maladies y font plus fafcheufes, & la mortalité y eft beaucoup plus gran­ de qu'en Angleterre, & ces maladies-là font fort fouvent contagieufes : Que fi un homme riche, par fa débauche ou par in­ temperie ou par l'infection, devient malade, il luy fera impoffible de trouver la plufpart des remedes qui fe rencontrent en Angleterre. Ils ont encor d'autres raifons, & qui font confiderables, pour les induire à retourner en leur païs, qui font la fatisfaction de joüir de la compagnie de leurs anciens amis, & de fe mettre en famille, avec le bien qu'ils ont acquis par leur travail & par leur induftrie, & par les frequentes rifques de leur vie, dont les commencemens eftoient fi peu de chofe, qu'ils ne valoient pas la pei­ ne qu'on s'y arreftaft ; & partant que pouvoient-ils efperer da­ vantage de fatisfaclion pour eux ou pour les leurs, que de joüir d'un eftabliffement pareil à celuy qu'ils ont en ce païs-là ? Mais je ne dis pas cela pour divertir ceux qui auront deffein de faire valoir leur bien, en le hazardant en ces fortes d'acquifitions ; car quoy quec e l u yqui s'habitüe là apres avoir eu beaucoup de peine, employé toute fon induftrie,& paffé fa vie à acquérir ce qu'il a de fortune, neantmoins l'achepteur eft fi bienfitué,& fi heureufement eftably, qu'il n'a pas befoin d'endurer toutes ces rigueurs-là , mais il peut pourfuivre fes affaires aifement, & mefme avec plaifir,& dans une demie douzaine d'années, s'en re­ tourner avec une ample fortune, & peut emporter avec luy de l'Angleterre de meilleurs remedes pour fa fanté, que ceux qui par un long-temps n'ont eu ny les moyens de s'en pourvoir, ny de l'argent pour en achepter ; car quoy qu'il croiffe des fimples en ce païs-là, qui font plus propres pour les corps des Habitans qui y font nez, qu'aucuns qu'on y puiffe porter des païs eftrangers,& le feraient auffi pour les noftres, fi nous en fçavions le veritable ufage, parce que nous l'ignorons, nous fommes obli­ gez de nous fervir des noftres.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.