Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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de l'Ifle des Barbades.

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Mais je dis cecy à ceux dont les penfées font fi aérées & fi raf­ finées qu'ils ne trouvent rien de quoy fe fatisfaire, mais s'i­ maginent déftablir icy bas une felicité, qui furpaffe la portée ordinaire des hommes. Ces efprits font trop volatils pour s'at­ tacher à une affaire, c'eft pourquoy je les veux abandonner comme inutiles en cette Republique : mais ceux qui font faits d'une terre moyenne, & qui ne fe foucient pas de quitter ces delices qui fe trouvent comme autant d'obftacles & de barrieres en leur chemin, & qui font les veritables remores qui les arreftent & les empefchent de venir à lenr profit ; Ces gens-là peuvent trouver icy des delices mediocres & mo­ dérées, avec un labeur mediocre: & s'ils en ufent moderement, ils contribueront à leur fanté , & ceux qui ont de l'induftrie, pour les bien employer, s'en peuvent fervir comme d'une échel­ le pour monter à un fort haut degré de richeffes & d'opulence, en ce doux negoce du Sucre, pourveu qu'ils ayent un fonds raifonnable pour commencer : J'entends ceux qui. peuvent entre­ prendre d'eftablir une Sucrerie, qui ne fe peut pas faire à moins de 14000. livres fterling, dans une habitation de 500. arpens de terre , avec un nombre compétent & proportionné de Servi­ teurs, d'Efclaves, de Chameaux, de Beftiaux, & d'Affinigos, avec un Moulin à Sucre, & tout le relie des autres meubles & uftenciles qui en dependent, tels que je les ay defcrits cy-devant. Mais quelqu'un dira icy, pourquoy eft-ce que celuy qui a la va­ leur de 14000. livres fierling en fa bource, ira courir des rifques fi longues d'icy jufques aux Barbades, puifqu'il peut vivre pardeçà à fon aife chez luy ? à quoy je reponds que chacun fe peut repofer,& manger du miel de fa ruche chez luy;mais que celuy qui peut s'ellever par fa propre induftrie, & par fon travail, eftant encor jeune & vigoureux, d'une petite fortune à une plus grande, & en y allant rendre du fervice au public, eftre charitable aux pauvres, & encor le pouvoir faire en peu d'années, merite beaucoup plus d'eftime & de louange, & trouvera fon pain, qu'il aura acquis par fon honnefte labeur, & par fon indullrie,beaucoup plus doux que celuy qui ne penfe qu'à prendre fes aifes, & à remplir ion ventre. Apres avoir dit tout ce que je viens de dire, j'eftime qu'il eft encor de mon devoir, d'inftruire tout autant que je pourray celuy qui voudra entreprendre de faire valoir fon fonds en ces fortes d'affai­ res, & s'il veut prefter l'oreille aux chofes que je luy diray, il verra que ce ne font pas des impoffibilitez ; furquoy j'appuyé les calculs z


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